Commission santé et protection sociale du Parti communiste français

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Pour une psychiatrie humaniste

 

Propositions :

  • Supprimer la loi du 5 juillet 2011

  • Proposer une nouvelle loi négociée avec l’ensemble des partenaires professionnels, associations et citoyens

  • Mettre en place les moyens financiers & humains nécessaires

Le 2 décembre 2008, le Président de la République a commis à l’hôpital psychiatrique d’Antony un discours assassin pour la psychiatrie. Par son discours, il visait à faire passer la psychiatrie d’une logique sanitaire de soins aux personnes en souffrance psychique à une logique sécuritaire de contrôle social. Pour cela il n’a pas hésité à s’appuyer sur une campagne médiatique qui montait en épingle un fait divers dramatique pour accréditer l’amalgame « tout schizophrène est un dangereux criminel ». De nombreuses voix se sont élevées pour rappeler que la psychiatrie française s’est battue depuis 50 ans pour qu’elle ne soit plus considérée comme un lieu de relégation sociale mais comme un dispositif de soins. Aujourd’hui 90% des patients sont suivis en ambulatoire et l’immense majorité d’entre eux ne nécessitera jamais d’hospitalisation.

En riposte, deux appels se sont constitués dans les jours qui ont suivi. L’ « appel des 39 contre la nuit sécuritaire » qui regroupe essentiellement des professionnels et qui vise à défendre une certaine conception éthique de la clinique du sujet, et l’appel « Contre la politique de la peur » qui regroupe des individus et des organisations de la psychiatrie, de la magistrature, de l’éducation : cet appel vise à combattre les projets présidentiels sur le terrain du droit et des libertés fondamentales. D’emblée les deux appels ont été soutenus par le PCF.

Mais le Président de la République ne s’est pas contenté d’un discours, depuis, il a débloqué des crédits importants pour augmenter le nombre de chambres d’isolement dans les services d’hospitalisation et créer de nouvelles Unités pour Malades Difficiles (UMD). Là encore, il s’appuie sur la montée des phénomènes de violence dans les services, alors qu’en fait ce dont manque la psychiatrie, ce ne sont pas de moyens de contention physique, mais de personnels permettant de désamorcer les crises violentes d’angoisse des patients.

Son projet visait également à réformer la loi sur les internements en banalisant le recours aux soins sous contrainte et en introduisant le principe de l’obligation de soins en ambulatoire, la mise en place d’une « garde à vue psychiatrique de 72h », et l’instauration d’un fichier des antécédents psychiatriques.

Ce qui s’est traduit par l’adoption d’une loi le 5 juillet 2011, malgré une opposition sans précédent à laquelle le PCF a participé activement aux côtés des « 39 contre la nuit sécuritaire » et du collectif « Mais c’est un homme ».

Une loi liberticide

Dans l’exposé des motifs, il est affirmé que l’un des 4 objectifs de la loi était d’améliorer la qualité et la continuité des soins. Or pas un seul article de ce texte n’évoque ces questions en dehors des soins sous contrainte ! Cette loi ne fait qu’organiser les modalités de contrôle social, des personnes présentant une dangerosité pour elle-même ou autrui, ou qui troublent l’ordre public.

Rappelons que si la loi prévoit, depuis 1838, la possibilité pour le préfet d’interner une personne, il s’agit d’une mesure administrative de droit d’exception imposant de revenir dans le droit commun dès que l’état de la personne le permet. Première constatation : depuis le discours du 2 décembre la notion de troubles à l’ordre public devient prépondérante sur celle de dangerosité pour soi-même ou autrui. Ceci signifie qu’elle peut concerner n’importe qui. La loi prévoit que toute personne présentant une dangerosité ou provoquant des troubles à l’ordre public pourra être hospitalisée pour une observation de 72 heures. Au terme de ces 72 heures, sur avis d’un certificat médical rappelant éventuellement certains antécédents psychiatriques, le Préfet statuera sur la possibilité pour la personne de reprendre ses occupations, ou de la nécessité d’une obligation de soins sous contrainte, soit en hospitalisation, soit en ambulatoire.

Nous avons là des innovations très graves sur le plan du droit : La « garde à vue psychiatrique de 72 heures » et les soins ambulatoires sous contrainte (SASC). Les SASC permettent non seulement de contrôler une population suspecte de provoquer des troubles à l’ordre public, mais vont jusqu’à permettre de pouvoir pénétrer dans le domicile de la personne.

Autre danger de cette loi, c’est la saturation des consultations des Centres Médico Psychologiques qui sont déjà pour nombre d’entre eux au bord de l’asphyxie par manque de soignants. En effet ils risquent d’être embolisés par des personnes à qui l’on a imposé des SASC, alors qu’elles ne sont pas malades, mais pour qui l’on demande à la psychiatrie de les contrôler. Du coup, des patients qui nécessitent et demandent des soins ne pourront plus être suivis. Or, l’on sait que cette rupture de soins génère fréquemment à terme des passages à l’acte suicidaires ou hétéro agressifs. Ainsi cette loi qui était censée répondre à un problème de sécurité va en fait fabriquer des « fous dangereux ». Ce qui est le propre des lois sécuritaires, qui contrairement à leur intitulé n’améliorent jamais la sécurité publique, mais jouent sur l’insécurité.

Le seul point en faveur des droits des personnes subissant un internement est l’instauration de la saisie du Juge des Libertés et de la Détention (JLD). En effet au bout de 15 jours d’hospitalisation sous contrainte la personne doit être vue en audience par le JLD. Malheureusement la loi n’a pas prévu les moyens permettant son application.

Nous souhaitons que la psychiatrie française redevienne un dispositif de soins progressiste qui contribue à la désaliénation des patients en le prenant en charge dans sa psychodynamique propre et en l’intégrant dans la société. Pour poursuivre notre engagement, il nous paraît nécessaire de prendre l’offensive au travers de l’élaboration d’une loi sanitaire. Le texte ci-dessous a pour fonction de poser les bases de l’élaboration de cette loi.

Préambule d’un projet de loi cadre sanitaire pour la psychiatrie

La psychiatrie à un domaine propre : la souffrance psychique. De ce fait elle se trouve également et sans cesse confrontée aux phénomènes d’ordre politique, économique ou social qui interfèrent dans la vie psychique. L’objet de la psychiatrie est fondamentalement de soigner des sujets souffrant psychiquement. Il ne se limite pas à l’éradication de symptômes, à la normalisation de conduites, ni au contrôle social. Son action est fondée sur la relation thérapeutique.

Le secteur, dans ses missions de prévention, de soins et de postcure, redevient le centre du dispositif public de la psychiatrie en France. Il est essentiel pour assurer à chaque patient la nécessaire continuité des soins que ces missions puissent être assurées par la même équipe pluridisciplinaire. Le principe de la sectorisation entraîne une obligation de soin pour l’équipe envers tous les patients résidant dans sa zone géodémographique. Il est tenu compte de la difficulté que représente dans notre société le fait de faire la démarche d’aller consulter en psychiatrie. Le principe de la totale gratuité des consultations et des soins ambulatoires, sans obligation de couverture sociale est maintenu.

Projet de Soins individualisés

Tenant compte de ce que l’histoire propre à chaque patient influe directement sur l’expression de la maladie, sa symptomatologie et le sens de celle-ci, il est impératif de mettre en œuvre pour chaque patient singulier un projet de soins individualisés. Cela souligne l’importance de la continuité des soins. La qualité de travail de l’équipe de secteur réside particulièrement dans son caractère pluridisciplinaire. Ainsi, les protocoles de soins ne sauraient être considérés comme le soin optimum : ils ne doivent plus être considérés comme opposables.

 

Continuité des soins

En raison du fait qu’un nombre important de maladies mentales est chronique, la psychiatrie doit garantir aux patients une continuité des soins de qualité ainsi qu’un soutien et un accompagnement auprès des familles. Tenant compte du risque de rupture des soins par le patient du fait de sa pathologie, les équipes de psychiatrie de secteur ont pour obligation de tout mettre en œuvre pour établir, maintenir ou rétablir un lien thérapeutique positif avec chaque patient. Ce qui implique que chaque CMP dispose des moyens humains en nombre et en qualification nécessaires pour assurer cette continuité, que ce soit au travers de consultations que par l’organisation de visites à domicile dès que nécessaire.

 

Continuité des soins et articulation social médico social

Certaines pathologies psychiatriques sont particulièrement invalidantes et nécessitent que soit mis en place un suivi social ou médico-social. Ces prises en charge du social ou du médico-social, ne sauraient se substituer à la nécessaire continuité des soins par le secteur. Elles nécessitent par contre une étroite coopération entre ces différentes équipes tout en respectant le libre arbitre du patient.

Hospitalisation

Dans la psychiatrie moderne, seule une minorité de patients nécessite une hospitalisation.

En amont de l’hospitalisation chaque secteur doit pouvoir disposer d’un Centre d’Accueil et de Crise, permettant de désamorcer 24h/24h certaines situations de crise qui risqueraient de nécessiter une hospitalisation. Dans de trop nombreux services les mises en chambre d’isolement se multiplient pour pallier au manque de personnel. Chaque secteur doit disposer d’un nombre de lits suffisant et d’un nombre de soignants qualifiés et correctement formés. Durant l’hospitalisation la qualité des soins relationnels est fondamentale, de ce fait il est important que l’ensemble des membres de l’équipe pluridisciplinaire y intervienne, particulièrement les psychologues. En aval de l’hospitalisation, chaque secteur doit pouvoir disposer de structures intermédiaires (éventuellement intersectorielles) permettant de proposer à certains patients un retour progressif vers la cité.

Recherche

La psychiatrie intègre l’apport théorique de différents domaines scientifiques (médical, biologique, psychologique,…) indispensable pour appréhender la complexité de la pathologie mentale. Pour autant, il n’y a de clinique que du sujet. Les apports de la psychanalyse demeurent essentiels. Dans ce cadre, la recherche clinique ne saurait se limiter à la recherche dans le domaine cognitivo-comportemental ou des neurosciences. Elle doit actualiser la nosographie française.

Qualité des soins et évaluation

La « démarche qualité » actuellement en œuvre vise essentiellement à évaluer l’instauration et le respect de procédures devant répondre à des situations généralisées et modélisées de soins. Ce qui est évalué c’est la forme et non la réelle qualité des soins. En psychiatrie, la qualité des soins ne pouvant se réduire à la mise en œuvre de protocoles, ceux-ci pouvant même se trouver antinomiques avec une qualité des soins optimums, l’évaluation de la qualité des soins ne peut se faire sur le modèle de référentiels.

Formations

Tous les professionnels doivent bénéficier d’une formation spécifique à la psychopathologie, aux sciences humaines et à la psychanalyse leur permettant de faire face au fait psychopathologique. La clinique psychiatrique (quel que soit le métier) est une praxis nécessitant un continuel aller retour entre pratique et théorie.

 

 

Infirmiers

Depuis la mise en place du Diplôme d’Etat Infirmier en 1992, les pouvoirs publics n’ont cessé de faire état du déficit de formation initiale pour les infirmiers choisissant d’exercer en psychiatrie. Ceci a conduit à mettre en place en psychiatrie un tutorat et un certain nombre de formations complémentaires obligatoires par le biais de la formation continue pour tous les infirmiers primo-arrivants en psychiatrie. Ce dispositif s’avérant onéreux et inefficace, il est décidé d’instaurer un Diplôme d’Etat Infirmier en « chandelier ». Chaque branche du chandelier correspondant à un champ spécifique d’exercice infirmier. Dans un premier temps, il est instauré trois branches : psychiatrie, médecine générale, santé publique. D’autres branches pouvant être instaurées en fonction des besoins.

La formation infirmière serait constituée d’un tronc commun. Tous les modules seraient étudiés par les étudiants en soins infirmiers, mais les modules concernant l’option choisie seraient approfondis. Les infirmiers souhaitant changer de champ d’exercice devront bénéficier d’une formation complémentaire afin d’acquérir les bases des compétences nécessaires à l’exercice dans ce champs. Tous les soignants exerçant en psychiatrie doivent pouvoir bénéficier de formations continues de qualité, les autorisant à d’élargir leur champ de compétence, particulièrement dans le soin relationnel. Ceci devrait permettre à un nombre important d’infirmiers confirmés de réaliser les « soins à visée psychothérapiques ». Pour pallier à la pénurie d’infirmiers et aux difficultés de recrutement, les études d’infirmier seront salariées. Par ailleurs il sera procédé à l’ouverture ou la réouverture d’un certain nombre d’IFSI (institut de Formation en Soins Infirmiers).

Mission d’intérêt général

Pour assurer une bonne accessibilité et continuité des soins, chaque secteur a pour mission d’établir un travail de réseau avec le tissu associatif, les soignants libéraux (médecins généralistes, psychiatres, psychologues, infirmières). Chaque secteur disposera des moyens nécessaires pour assurer ces missions d’intérêt général et d’action dans la communauté.

Gouvernance et financement

Tenant compte des spécificités de la psychiatrie et de ses modalités particulières de travail, le territoire géodémographique (70000 habitants) du secteur reste le plus valide. Ce qui implique que chaque secteur soit un pôle, en attendant l’abrogation des mesures Hôpital 2007 et de la loi HPST. Le financement de la psychiatrie ne peut relever de la T2A (Tarification à l’activité), ni de la VAP (Valorisation de l’activité en psychiatrie). Son financement nécessite le maintien d’un financement global, prenant en compte l’ensemble des activités du secteur notamment en ce qui concerne les MIGAC. Par ailleurs les projets spécifiques et innovants des secteurs pourront faire l’objet d’un financement supplémentaire fléché qui les rende pérennes à terme. Sur le plan national la psychiatrie fait l’objet d’un budget spécifique, permettant de mesurer son évolution réelle.

Internement

Le recours à la privation de sa liberté d’une personne en raison de ses troubles psychiques qui peuvent présenter un danger pour elle-même ou pour autrui ou provoquer de graves troubles à l’ordre public est une mesure d’exception. Il ne peut être motivé que par l’état de la personne au moment des faits dûment constaté par un certificat médical. Le juge des libertés est immédiatement informé de chaque mesure d’internement. Il est impératif de revenir dans le droit commun sitôt que l’état de la personne le permet. L’avis médical prime sur l’avis de l’autorité administrative qui peut si elle conteste cet avis, demander une expertise. En l’absence de certificat médical certifiant que l’état de la personne ne relève plus du droit d’exception, la personne ou toute personne contestant cette mesure peux saisir directement le juge des libertés. Le juge des libertés peut également s’autosaisir.

La loi du 5 juillet 2011 sera abrogée.

 

Il y a actuellement 1 réactions

  • COPYRIGHT

    Bonjour,

    Pouvez-vous m'autoriser la reproduction intégrale avec les mentions légales de votre article POUR UNE PSYCHIATRIE HUMANISTE dans mon livre MA SCHIZOPHRÉNIE RACONTÉE... et sur mon blog MA SCHIZOPHRÉNIE RACONTÉE... http://ma-schizophrenie-racontee.blogspot.com ?

    D'avance je vous remercie pour votre réponse.

    Bien fraternellement à vous,

    Œdipe EX-SCHIZO

    Ancien secrétaire de la cellule PCF du Crédit Expert de Paris (pseudonyme)

    Par EX-SCHIZO, le 03 septembre 2013 à 03:48.

 

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