Commission santé et protection sociale du Parti communiste français

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Bioéthique : l'humain avant les dogmes et l'argent

 

Propositions :

  • L’humain avant les dogmes et l’argent

  • créer un répertoire positif des donneurs d’organes

  • interdire la commercialisation de ce qui vient du corps humain

  • interdire la commercialisation des médicaments dont les essais cliniques sont incertains

On dit souvent des lois de bioéthique qu’elles sont l’occasion de débats passionnés et passionnants dans lesquels s’expriment autant de points de vue qu’il y a de débattants. La tentation est grande de croire ce récit, tant il est évident que chacun aborde différemment des questions traitant de la santé, de la technique, de la science, mais surtout du vivant. Les confrontations traditionnelles classiques, qui sont évidentes sur des questions liées à l’immigration, à la fiscalité ou à l’économie peuvent apparaître diminuées dans un débat où les positions personnelles des législateurs prennent plus de place qu’à l’accoutumée.

Toutefois, il serait faux de croire que ces clivages n’existent pas. De la même manière qu’ils sont présents sur les débats sociétaux, comme les droits des couples de même sexe, ils perdurent majoritairement dès lors qu’il s’agit de bioéthique. Certes, des voix discordantes peuvent se faire entendre au sein d’une même organisation politique ou d’un même groupe parlementaire. Or, ces positions individuelles n’en demeurent pas moins isolées et au final sur l’ensemble des débats traitant des révisions de lois de bioéthique, on assiste encore à un important clivage, ou peut être devrait-on dire, d’importants clivages.

Progrès : ni angoisses, ni faux espoirs

Parmi ceux-ci, on constate toujours qu’il existe une fracture infranchissable entre d’un côté, celles et ceux qui tiennent les découvertes scientifiques pour danger, et ceux qui, les communistes en font partie, ne cessent d’interroger les progrès scientifiques sous l’aune de l’humainement acceptable. Dans ces débats importants, la force des communistes a été de rechercher le subtil équilibre entre ce que la science peut faire techniquement et le souci scrupuleux du respect de l’éthique. A l’évidence, tous les progrès techniques et scientifiques ne doivent pas nécessairement faire l’objet d’une transposition législative. A titre d’exemple, bien qu’il soit aujourd’hui possible d’opérer un transfert post-mortem des embryons, les parlementaires communistes ont considéré qu’il n’était pas de leur responsabilité de mobiliser la science au service d’un projet parental qui de fait se dissout avec la mort du partenaire. Pour autant, dire qu’il n’est pas dans l’intérêt de l’enfant que de le faire naître orphelin au prétexte que la science le permettrait, n’est absolument pas contradictoire avec la reconnaissance du droit des couples composés de deux femmes de bénéficier d’une assistance médicale à la procréation. A l’inverse du premier cas, il s’agit ici de faire en sorte que les progrès de la médecine servent à répondre à une «infertilité sociale ». Naturellement, cela ne règle pas toutes les difficultés et il faudra bien qu’un jour les législateurs débattent clairement de l’accès à l’homoparentalité, y compris sous l’angle de l’adoption. Ces deux exemples, ayant tout deux trait à la maternité, illustrent ce que le sénateur Guy Fischer présentait à l’occasion de son intervention générale, « l’arbitrage entre le possible et le souhaitable ». Le philosophe Hans Jonas décrit le mieux cette réflexion : « agis de façon que les effets de ton action soient compatibles avec la permanence d’une vie authentiquement humaine sur terre ». Il s’agit en somme, de poser une grille de lecture applicable à toute évolution scientifique : en quoi sert-elle l’Homme ? Cette interrogation, et elle seule, permet aux humanistes de proposer la construction de l’histoire universelle comme l’entend Friedrich Hegel : le progrès dans la conscience de la liberté.

L’humain d’abord :

La liberté est une notion fondamentale pour qui veut s’approprier les questions éthiques. Il suffit d’observer les débats intervenus tant à l’Assemblée Nationale qu’au Sénat, pour s’apercevoir que ceux qui font obstacle aux progrès de la science le font souvent sur des fondements religieux, quand d’autres, qui nient l’humain, le font pour des motifs d’ordre économique. Curieusement, ceux qui aliènent le devenir de l’homme au divin ou à l’argent se retrouvent majoritairement au sein du même camp politique : l’UMP.

Ce sont ainsi ces parlementaires qui se sont opposés à ce que l’on crée un répertoire positif des donneurs d’organes. Alors que les forces de gauche proposaient que la loi prévoit explicitement que la volonté d’une personne décédée - exprimée de son vivant – de donner ses organes soient respectée y compris si sa famille s’y opposait, la droite et une partie des centristes ont malheureusement voté contre. Un peu comme si la volonté exprimée par l’un de nos concitoyens, son libre arbitre, avait moins de valeur que les choix que ces proches pourraient opérer pour lui non en raison de ses convictions, mais des leurs. Il y a bien évidement derrière cela l’idée selon laquelle au final, nous ne serions pas nous mêmes le propriétaire de notre corps et de notre devenir.

C’est encore sur ce même fondement que la majorité parlementaire, soutenue par le Gouvernement, s’est opposée à ce que l’on puisse pratiquer des recherches scientifiques avancées sur les embryons surnuméraires, c’est à dire des embryons qui sont voués à ne jamais être implantés, à ne jamais prendre vie et à être détruits. Pourtant, c’est bien au nom du principe - soutenu par les mouvements religieux – que les embryons sont des êtres en devenir. Cette conception rétrograde dissimule mal la réalité : celles et ceux qui se sont opposés à la légalisation de la recherche embryonnaire s’opposaient en fait à ce que les hommes empiètent sur le champ du divin. Les humanistes ne pouvaient naturellement pas souscrire à cette approche et ne pouvaient que soutenir la théorie avancée par le généticien Axel Kahn selon laquelle : « sachant que, dans leur grande majorité, ces potentialités de vie humaine ne parviendront jamais au stade de nouveau-né et que ces embryons seront détruits, il faut faire preuve d’une imagination extraordinaire pour considérer que leur conservation indéfinie – laquelle est d’ailleurs matériellement impossible - dans de l’azote liquide serait plus respectueuse de leur singularité que leur utilisation dans le cadre d’une recherche à visée médicale, dans le cadre de protocoles strictement encadrés par une instance idoine. ».

Refuser la prédominance de l’argent :

Vient enfin la question de l’argent et de la manière dont les rapports marchands pervertissent les rapports entre santé et humanité. Car ne nous y trompons pas, l’industrie pharmaceutique ne s’embarrasse que peu des règles éthiques qui sont considérées comme de véritables contraintes sur un marché qui, comme il se doit être – pour le bonheur des actionnaires – libre et sans entrave.

Si ces derniers ne sont absolument pas gênés à l’idée que des médicaments dérivés du sang puissent être commercialisés à partir de sang obtenu contre rémunération, cette idée scandalise à raison les sénateurs communistes et du parti de gauche qui ont mené sur le sujet une bataille parlementaire de belle envergure. Nous ne pouvons accepter que les éléments du corps humain soient réduits à des éléments marchands, tout comme nous ne pouvons accepter que pour survivre, certains soient, ailleurs qu’en France, contraints de vendre leur sang. La conception française du don d’organe et de sang, comme un geste altruiste, constitue à cet égard une protection en direction des plus faibles. C’est ce même raisonnement qui devrait nous conduire à exiger de l’Europe qu’elle interdise, dans le cadre de l’agence européenne du médicament, que bénéficient d’une autorisation de mise sur le marché des médicaments dont les essais cliniques antérieurs à la commercialisation ne sont pas sécurisés. Le cas le plus fréquemment cité étant l’Inde. De plus en plus de laboratoires pharmaceutiques, à l’image des groupes industriels, délocalisent les essais cliniques dans des pays en voie de développement. L’intérêt étant naturellement économique dans la mesure où, comme le signalait un article paru dans le monde en 2008 – déjà – « En Inde, les cobayes médicaux coûtent de 20 à 60 % moins cher que dans les pays occidentaux. (...) Le ministère indien de la santé a proposé l’année dernière le vote d’un amendement autorisant les laboratoires pharmaceutiques étrangers à tester leurs médicaments sur des patients indiens, avant même que leur innocuité ne soit démontrée ». Si cela est éminemment scandaleux vis-à-vis des populations locales, ce n’est pas sans risque pour nos concitoyens.

 

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