Commission santé et protection sociale du Parti communiste français

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Sécurité sociale et pôle public du médicament

le 03 octobre 2015

 

Le Pôle public du médicament, une contribution à la défense de la Sécurité sociale

La consommation de médicaments de l’année 2013 est estimée à 33,5 milliards d’euros, soit 17,9 % de la consommation de soins et de biens médicaux (CSBM). Après des progressions en valeur déjà très faibles en 2010 (+1,2 %) et en 2011 (+0,9 %), le recul enregistré pour la première fois en 2012 (-1,2 %) se poursuit en 2013 : -1,3 %.

Il résulte d’une nouvelle diminution des prix et d’une croissance modérée des volumes.

Il est lié aux importantes baisses de prix mises en œuvre en 2012-2013, à la générication de spécialités très consommées et au renforcement de la mesure « tiers-payant contre génériques » à partir de juillet 2012. Lorsqu’ils peuvent se substituer à des princeps, les génériques voient leur part de marché s’accroître : la part des génériques dans l’ensemble des médicaments remboursables est ainsi passée de 4,1 % en valeur en 2002 à 18,1 % en 2013.

Ce ralentissement est aussi lié à des mesures de régulation importantes :

  • Maîtrise médicalisée, (contrôle des médecins)

  • Baisses de prix négociés par le Comité économique des produits de Santé

  • Inflexion des volumes, (conditionnement trimestriel)

  • Flux atténué d'innovation et de nouveaux médicaments

Ce niveau de remboursement historiquement faible amène nombre de Français à renoncer aux soins complémentaires mettant en danger leur propre santé sans régler le problème des déficits.

Il faut mettre fin à l’incohérence qui voit des médicaments, proposés au déremboursement par la commission de transparence pour des raisons de sécurité sanitaire, rester sur le marché.

Pour les communistes, il ne peut y avoir que deux figures possible : celui-ci est utile médicalement, et il doit être remboursé à 100% ; ou cela n’est pas le cas et il ne peut s’agir d’un médicament, donc ne doit pas être pris en charge par l’assurance maladie.

Pour le PCF, cette question du médicament renvoi plus largement à celle de sa recherche, sa production, sa distribution aujourd’hui entre les mains du privé.

Depuis des années, nous préconisons la nécessité d’une politique alternative de santé, et cela passe par l’impérieuse nécessité pour la société de se réapproprier cette chaîne de la santé, c’est le sens que nous donnons à notre proposition de mettre en place un Pôle public du médicament en France et en Europe.

Les critères de fixation des prix des médicaments sont régulièrement pointés du doigt, entre autre par la Cour des Comptes, pour leur opacité. De fait, le CEPS dispose d’un pouvoir énorme, mais en même temps très limité. Car en face de lui, il se heurte à des laboratoires pharmaceutiques, qui ont eux aussi leurs propres grilles de calculs.
De fait, les marges bénéficiaires des laboratoires sont de l’ordre de 200 à 300 % sur certains médicaments, et parmi les arguments avancés par les laboratoires, au cours des négociations, il y a ce qu’ils doivent reverser aux actionnaires, et cette somme représentent des dizaines de milliards qui coûtent cher à la Sécu.
De fait les Laboratoires mettent à profit notre système de santé, pour le détourner à leur profit, notamment en matière de traitements de pointe.

Ils sont trop chers, ou trop prescrits. Dans tous les cas, ces quelques médicaments représentent des sommes astronomiques pour la Sécurité sociale, qui tente par tous moyens de faire des économies.

Le cas d’un médicament comme le Solvadi, produit pharmaceutique phare contre l’Hépatite C, est éloquent. A 58 000 euros le traitement, pour 200 000 patients potentiels, la Sécu a vite fait ses comptes. Ce médicament aura englouti 1 milliard d’euros de dépenses publiques en 2015. Ce qui a amené le gouvernement a concocté dans son projet de loi 2015 de financement de la Sécurité sociale, une taxe spéciale pour mettre la main à la poche le Laboratoire Gilead.

Cette démarche ne doit pas rester exceptionnelle.

Le Pôle Public du médicament c’est de revoir le rapport de l’Etat et de la Sécurité sociale aux Laboratoires, mettre les fabricants face à leurs responsabilités, en exigeant qu’ils vendent à à leur juste prix, d’être « moins riches » pour que chacun puisse se guérir. Mais il ne saurait être que français, il faut qu’il soit aussi un Pôle Public Européen.

En juin 2014, 15 pays, avec le soutien de la Commission européenne, se sont adressés à l’industrie pharmaceutique en réaction au Sovaldi. Dans une déclaration commune, les signataires (la France, l’Allemagne, la Belgique, la Pologne, la Lituanie, les Pays-Bas, le Portugal, Chypre, la Croatie, l’Irlande, la Slovénie, la Slovaquie, le Luxembourg, l’Italie et la Roumanie) affirmaient que ces traitements « sont extrêmement élevés et insoutenables pour les budgets de santé ». Ils demandaient aux laboratoires un « compromis adéquat » entre leurs gains et l'accès aux soins.

Un aveu de leur allégeance aux multinationales pharmaceutiques, dont « l’industrie fait mieux que le luxe et le pétrole », comme l’exprime bien, Jean-Paul Vernant, professeur d’hématologie à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris, pour qui « Le discours de l’industrie pharmaceutique, qui justifie ses marges bénéficiaires par le réinvestissement dans la recherche, ne tient pas. Moins de 15 % du chiffre d’affaires des laboratoires est réinvesti dans la recherche et le développement ! Pour le marketing et la publicité, ce taux est de l’ordre de 20-25 %. Jamais, depuis vingt ans, l’industrie pharmaceutique n’a eu des bénéfices inférieurs à deux chiffres.».

Le cas du Lucentis (Novartis) a mis en évidence la concertation entre multinationales pour se protéger mutuellement. Prescrit aux patients atteints de dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA), le Lucentis est le premier poste de dépense de la Sécu : 428 millions d’euros par an (en progression de 40% en deux ans), pour 300 000 personnes affectées.
Pendant longtemps, seul autorisé dans le traitement de la pathologie, avec un cout de 800 euros par injection, s’est vu substitué dans les Hôpitaux par l’Avastin, du laboratoire Roche, suisse également, mais bien moins coûteux, puisqu’il coûte 30 euros l’injection – soit presque 30 fois moins que le Lucentis !

L’Assurance maladie a donc suggéré au laboratoire Roche. Mais, surprise : Roche a refusé. Une enquête menée par les autorités italiennes a permis de comprendre pourquoi.
Un accord secret entre Novartis et Roche a permis de comprendre pourquoi le Laboratoire Roche a refusé la proposition de l’Assurance Maladie de demander une extension d’AMM pour le traitement de la DMLA. Ce même laboratoire qui a même été jusqu'à demander à l'Agence européenne du médicament de modifier la notice de l'Avastin pour y ajouter des effets secondaires dans le cas d'une utilisation hors cadre, dénigrant ainsi son propre médicament pour un traitement hors cancer !
Il se trouve que les deux laboratoires ont des liens capitalistiques directs. Novartis détient 33 % du capital de Roche. De plus, Roche perçoit des royalties sur la vente du Lucentis par Novartis. Le laboratoire n’a donc aucun intérêt à promouvoir son Avastin. Les deux laboratoires ont été condamnés à une amende d’1,2 milliard de d’euros par l’Italie, pays où l'Avastin est le plus prescrit dans le cadre d'une DMLA. En France, l'Autorité de la concurrence a ouvert en mars une enquête préliminaire, mais pour forcer la main du laboratoire Roche, le gouvernement français a fait voter un amendement pour autoriser la prescription de l’Avastin dans le traitement de la DMLA, une économie de 200 millions d’euros par an, selon le député socialiste Gérard Bapt, auteur du rapport.

Mais ne nous faisons pas d’illusion, comme le dit encore récemment le Dr Irène Frachon, pneumologue au CHU de Brest, "les méthodes Servier" n'ont pas changé1.

Un Pôle public du médicament c’est transformer une démarche exceptionnelle en méthode générale, certes contraire à une économie libérale, à la sacro sainte loi du marché de Bruxelles !

Oui le médicament joue un rôle appréciable dans l’économie de la Sécu, c’est pourquoi il ne doit en aucun cas être considéré comme une marchandise, et sa consommation ne peuvent pas être évalués en termes de valeur, mais par rapport aux besoins de santé, à l’échelle de la population française comme mondiale. Plus de 50% des maladies, dans le monde, sont sans thérapies adaptées. L’accès aux soins de toutes les populations est encore un droit à conquérir.

 

Le médicament n’est pas un produit comme les autres : il a une origine / princeps, une traçabilité de sa production, un coût, un prix (l’un et l’autre actuellement non transparents), une traçabilité de ses effets thérapeutiques et de ses effets secondaires ; il fait l’objet d’une prescription suite à un examen médical. Il ne s’agit pas d’un simple rapport de consommation, mais d’un rapport social pouvant impliquer plusieurs actes, d’un travail qualifié.

 

Ce sont aussi ces particularités qui imposent de traiter le devenir de sa maîtrise en termes de chaine de la recherche/ conception, innovation, production, distribution et prescription.

Avec le pôle public du médicament, il n’y aura plus de générique, puisqu’il s’agirait de réguler les prix des molécules princeps en fonction de leur amortissement.

C’est pourquoi nous refusons la notion de générique, dont aucun bilan sérieux n’a été fait sur la réalité :

  • de leurs lieux et modalités de production ;

  • de leur efficacité / aux médicaments princeps

  • de leur prix

 

Le Pôle public du médicament, c’est donner à l’Assurance maladie, la puissance publique, ses citoyens, ces travailleurs de la recherche et de l’industrie, ses élu-e-s, la possibilité d’être les garants de la santé publique et, de ce fait, de pouvoir disposer dans ce domaine d’une recherche et d’une industrie de qualité répondant aux besoins, s’opposant à toute maltraitance, toute destruction du patrimoine.

Le Pôle public du médicament devra être pour la Distribution, celui qui permettra la préservation des structures et moyens de proximité permettant une réponse rapide aux besoins ; de même, pour la Visite médical, la formation par le service public permettra une information éthique du corps médical.

 

Le Pôle public défendra la Propriété intellectuelle, la reconnaissance des innovations et des initiateurs, mais aussi la mise à disposition mondiale des connaissances, des innovations thérapeutiques, des médicaments novateurs, pour que chacun dispose des moyens de se soigner.

Chaque contribution, chaque denier public doit être accompagné d’engagements sur des objectifs sanitaires et sociaux.

Chaque engagement doit être toujours et régulièrement évalués et contrôlés

 

L’industrie pharmaceutique est une industrie d’avenir à condition qu’elle ne soit pas dirigée par des financiers. Ils ont fait la preuve de leur dangerosité.

Ce qui compromet l’avenir de notre industrie ce n’est pas le coût du travail, ce sont les exigences du capital. C’est pourquoi avec ce Pôle public, nous voulons faire sortir le médicament du Marché.

Il faut mettre un terme aux solutions éphémères pour continuer à financer la politique du « médicament pour tous ».

Fabien Cohen

 

1 En référence à deux cardiologues travaillant sur des valvulopathies sous Mediator* (benfluorex, Servier), lors d'un procès en diffamation au tribunal de grande instance (TGI) de Paris, mars 2015.

 
 

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