Commission santé et protection sociale du Parti communiste français

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La réforme des laboratoires de biologie médicale

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La réforme des laboratoires de biologie médicale: marchandisation accélérée de la santé & menace pour l’accès aux soins.   Une des dispositions de la loi HPST prévoit une réforme de la biologie médicale. Cette disposition a été promulguée par l’ordonnance n° 2010-49 du 13 janvier 2010 relative à la biologie médicale communément appelée ordonnance Ballereau. Les décrets d’application de cette ordonnance n’ont toujours pas été publiés à ce jour. Un dernier épisode législatif a suspendu sa mise en œuvre le 9 février dernier en l’abrogeant par amendement mais le ministre de la santé n’a pas remis en cause ses principes et annonce sa révision prochaine. Etat de la biologie médicale en France : Ces 20 dernières années, l’industrialisation et la révolution de la biologie moléculaire mais aussi l’informatisation de toute la chaine de production du traitement des analyses biologiques ont participé au progrès médical. Aujourd’hui la rentabilité économique de ce secteur est acquise pour: L’industrie de la chimie (réactifs) L’industrie des automates Les laboratoires hautement spécialisés Les laboratoires de proximité dits de quartier ont suivi l’évolution et ont recueilli les fruits économiques de cette évolution. Aujourd’hui, de nouveaux appétits se révèlent, voulant profiter de la manne du secteur. Mais si les conditions de la rentabilité sont réunies sur le plan économique, elles ne le sont pas encore totalement sur le plan réglementaire. Elles écartent toujours ceux qui veulent tirer profits de la biologie médicale de demain et qui ne sont autres que des financiers de toutes sortes : assurances, opérateurs de l’hospitalisation privés et autres investisseurs privés… C’est dans ce contexte et alors que des baisses répétées des tarifs des actes de la biologie médicale sont appliquées par la CNAM au nom d’une réduction vertueuse des dépenses de santé, que le pouvoir a décidé de lancer une réforme qui a pour objectifs affichés l’amélioration de la qualité. Elle repose sur l’accréditation obligatoire des laboratoires qui est caractérisée par: La médicalisation des processus : la présence des médecins biologistes est imposée à toutes les étapes d’une analyse biologique. La création d’un nouveau métier : le qualiticien, en responsabilité de superviser l’accréditation du laboratoire. Ces deux obligations conjuguées à des normes réglementaires draconiennes et considérées comme bien excessives par de nombreux biologistes entraineront une augmentation des dépenses de fonctionnement des laboratoires de proximité. C’est un effet de ciseaux qui les menace entre la baisse des tarifs, la baisse de leurs recettes et le coût des nouvelles obligations. Alors comment dans ces conditions conserver une offre de biologie dans un cadre de service public ? La question se pose aussi à l’hôpital et dans les centres de santé. Que prévoit précisément la réforme ? Une accréditation des laboratoires de ville et des laboratoires hospitaliers est désormais obligatoire au plus tard en 2016 sous peine de fermetures. Les laboratoires devront être engagés dans la procédure d’accréditation dès janvier 2013 pour pouvoir poursuivre leur activité. Ces nouvelles normes dites de qualité imposent des contraintes techniques réglementaires et donc financières qui de fait ne pourront être respectées qu’au prix du regroupement des structures existantes sur des plateaux techniques de dimension industrielle et par une rationalisation, à savoir une automatisation maximale, des procédures de traitement des prélèvements à toutes les étapes d’une analyse : pré-analytique, analytique et post analytique. Conséquences :          1. La disparition des laboratoires de proximité : Ils ne peuvent assumer le coût et la charge de l’accréditation, l’activité minimale requise étant évaluée à au moins 350 à 400 dossiers de patients/jour. Ils ont pour la majorité d’entre eux une activité inférieure. Ils sont voués à disparaitre, contraints à se regrouper ou à vendre à plus gros qu’eux et au plus offrant. Même si l’ordonnance n’était pas applicable lors de sa parution, poussés par les pouvoirs publics les laboratoires ont très largement anticipé sa mise en œuvre : les ventes et regroupements se sont multipliés en 2009 et 2010. Les regroupements vont faire passer le nombre de laboratoires de ville de 5000 à 2500. En fait l’objectif serait de 1500 laboratoires à terme.            2. La qualité des résultats et du suivi des patients, principal motif invoqué par les promoteurs de la réforme, menacée : Les laboratoires de proximité ne seront plus dans le meilleur cas que des sites de prélèvements où ne s’effectuera que la phase pré      analytique (prélèvements et conditionnement avant le transport). La prise en charge du patient sera réduite à sa plus simple expression et  totalement séparée du traitement technique et de sa validation médicale qui se feront sur un site externalisé. La concertation directe entre le biologiste et le médecin prescripteur sera rompue : elle est indispensable à une interprétation qui mette en lien un résultat biologique et le contexte clinique d’un patient. Les plateaux techniques traiteront des prélèvements de plusieurs dizaine de sites. Cela nécessitera la mise en place de systèmes d’acheminement par coursiers qui ne sont pas sans poser des problèmes de qualité déjà identifiés : durée des transports, variations des conditions de transport susceptibles d’altérer le prélèvement et mettre en cause la validité de son résultat... La gestion des urgences sera affectée, les temps d’acheminement impactant le temps des diagnostics et donc celui des prises en charge. Une perte de chance pour les patients n’est pas à exclure dans un certain nombre de situations.             3. Des conséquences sociales importantes : L’accréditation contraint au regroupement les structures existantes et implique une industrialisation des nouveaux laboratoires. Ceux-ci ne pourront être viables économiquement que par une rationalisation de toutes les procédures analytiques. L’automatisation qu’elle implique aura pour premier effet des pertes d’emploi massives dans le secteur qui ont été estimées à plus de 60 000 (techniciens de laboratoires, aide-laboratoires, secrétaires médicales, fournisseurs de réactifs, sociétés d'informatique, entreprises de services) par le collectif www.touchepasamonlabo.com.           4. Une nouvelle menace pour les services publics de santé et l’accès aux soins pour tous : La réforme touche les laboratoires des hôpitaux publics, poussés au regroupement et confrontés à des difficultés similaires de mise en œuvre. Les conséquences en sont les mêmes avec des problématiques soulevées encore plus aigües quand il s’agit de préserver la continuité des soins et assurer le traitement des urgences en particulier la nuit dans des conditions garantissant toutes leurs chances aux patients. La réforme participe aussi au démantèlement de l’hôpital public en bouleversant les modes d’organisation validés et efficaces depuis longtemps et en menaçant de disperser les équipes. La réduction des laboratoires de proximité a pour premier effet la réduction de l’offre territoriale et sociale de biologie de ville, creusant les inégalités territoriales de santé, les petites structures de prélèvement étant dans de telles perspectives vouées à disparaitre. Conséquence prévisible de la financiarisation du marché remis aux mains d’entreprises capitalistes dont le nombre sera réduit, ce sont elles et les industriels, fabricants d’automates et de réactifs qui pèseront sur le coût des actes de biologie. Les motifs de la réforme Les réformes juridiques se sont succédées et s’emboîtent au service des objectifs réels du pouvoir: la marchandisation du secteur. La privatisation des laboratoires de haute technologie est déjà acquise, et les Sociétés d’Exercice Libéral ont permis une première forme de regroupement des structures leur autorisant à exercer leur activité sous forme de sociétés de capitaux. Les directives européennes, le nouveau traité constitutionnel et une plainte auprès de la Haute Cour de Justice Européenne vont à terme obliger la France à ouvrir le marché de la biologie médicale à la libre concurrence et donc à tous les capitaux qui souhaiteront y investir. La loi HPST et l’ordonnance du 13 Janvier 2010 ont posé les premiers jalons de la privatisation générale du secteur même si d’apparents garde-fous et un discours axé sur la qualité masquent partiellement les objectifs du pouvoir : privatisation, concentration, rentabilisation. Le discours du pouvoir n’est axé que sur la qualité, la « médicalisation » des processus, l’importance des phases pré et post-analytiques. Mais dans les faits, le pouvoir vise à étrangler les laboratoires de proximité au bénéfice des structures regroupées plus faciles à rentabiliser. L’état du droit aujourd’hui ? Les décrets mettant en œuvre l’ordonnance étaient en attente en ce début d’année 2011. La période « libre » avant la publication des décrets, 2010 / 2012, est pour les opérateurs du marché qui se mettent en place, celle de la restructuration du capital du secteur. La période 2013 / 2016 aurait du être celle à proprement parlé de l’accréditation. L’amendement adopté en première lecture à l’Assemblée le 9 février 2011 a suspendu le processus de mise en œuvre de l’ordonnance en l’abrogeant. Les motivations ayant justifié l’adoption de cet amendement paraissent liées, sous couvert du motif officiel mettant en avant l’exclusion du dispositif de certains biologistes universitaires, à l’intervention du Conseil d’Etat qui avait été saisi par le CNOM : au motif des conflits d’intérêt, il a fait interdire de fait la participation au capital des laboratoires, les assurances privées mais aussi les mutuelles, qui allaient être les principaux bénéficiaires des dispositifs en cours d’adoption… Xavier Bertrand a fait rapidement savoir que l’ordonnance serait révisée. Pour contourner cet obstacle ? Situation des laboratoires de biologie médicale des centres de santé Un certain nombre de centres de santé de gestion mutualiste, associative ou municipale ont un laboratoire de biologie médicale qui traite souvent en plus des prélèvements de leurs usagers, ceux d’autres centres de santé partenaires mais aussi de CDAG, de CIDDIST, de CLAT, de médecine préventive. Ils garantissent à leurs patients le respect des tarifs opposables et la dispense d’avance de frais en toutes circonstances puisque réglementairement imposés par la loi. Ce n’est pas le cas des laboratoires privés qui, s’ils pratiquent souvent le tiers payant, peuvent s’ils le souhaitent le refuser à leurs patients et y renoncer à tout moment. Les laboratoires des centres de santé sont touchés par la réforme même si l’ordonnance Ballereau avait tout simplement oublié de les mentionner dans sa première rédaction. Leur « incorporation » dans la réforme n’avait pas réglé certains problèmes. Ainsi les centres de santé, sans laboratoire intégré mais sites de prélèvements partenaires se retrouvaient intégrés dans la liste des services dérogatoires autorisés à prélever au même titre que le SAMU, les CDAG mais avec des restrictions inacceptables : elles limitaient les prélèvements autorisées aux seules prescriptions émanant d’un médecin exerçant dans le centre. Or les études montrent que dans ces structures plus de 50% des patients prélevés n’étaient pas usagers par ailleurs d’autres services du centre de santé. Les laboratoires de biologie médicale des centres de santé municipaux franciliens En Ile de France, 5 centres municipaux de santé polyvalents ont un laboratoire de biologie médicale : les CMS des villes de Champigny, de Vitry, d’Ivry, de Gennevilliers et de Malakoff. Ces 5 communes sont des municipalités communistes. Leurs 5 laboratoires traitent les prélèvements de 22 sites au total qui s’étendent sur toute la région. Face à l’enjeu que représente la nécessité de préserver un service public de biologie médicale ambulatoire en Ile de France, les maires des 5 communes se sont réunis pour réfléchir au projet de création d’un regroupement des laboratoires de leurs CMS permettant de préserver une offre de biologie de qualité et de proximité, alternatif aux structures regroupées privées qui se mettent en place. Un Groupement de coopération sanitaire pourrait ainsi réunir ces villes et une ou plusieurs structures hospitalières de la région mais aussi tous les centres de santé qui souhaiteraient en être les partenaires. 

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La réforme des laboratoires de biologie médicale

le 11 mars 2011