Commission santé et protection sociale du Parti communiste français

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La conception libérale de la Sécurité Sociale

le 02 juillet 2015

 

Si un temps le rêve de la droite et de la sociale démocratie fut de remettre en cause la sécurité sociale, son système de cotisation, son universalité, ses couvertures sociales, … elles se sont vite trouvées confrontées à un tel rejet de la part de la population de notre pays (voir au delà) qu’il leur fallut déconstruire (comme le disait explicitement M.Kessler) et vider de sa substance ce système de protection sociale.

La Loi de Financement de la Sécurité sociale (LFSS) apparue avec le Plan Juppé de 1996, n’a été possible qu’en modifiant la Constitution pour donner au Parlement la possibilité de voter le budget de la Sécurité Sociale – ce que ne permettait pas la Constitution de 1945, laquelle privilégiait une approche paritaire entre les partenaires sociaux. L’introduction de la LFSS (révisée en 2005) est contemporaine d’autres ruptures avec le modèle de 45 : l’introduction de la CSG, qui est un impôt, sous le gouvernement Rocard (1991) ; la création de la CMU de base (1999) ; la réforme de la gouvernance (2004). Ce qui conduit Claude Le Pen à rappeler encore récemment que « contrairement à ce que l’on croit, nous ne vivons plus dans la sécurité sociale de 1945, mais dans celle des années 90 ».

Pour cet économiste de la santé et son école, il est clair que le processus de transformation structurelle du système de santé amorcé dans les années 90 n'est pas parvenu à son terme.

Le vrai changement paradigmatique, selon eux, qui marquerait un changement radical et signerait la répudiation définitive du modèle de 45, consisterait à concentrer les prestations de l'assurance maladie obligatoire sur la partie la plus défavorisée de la population, qu'il s'agisse des patients les plus sévèrement atteints ou des plus démunis financièrement. L'assurance maladie publique s'inscrirait alors dans la logique d'assistance profondément étrangère à l'esprit mutualiste et assurantiel de 1945.

La volonté maintenue, indépendamment des alternances gouvernementales, à transférer aux assurances complémentaires une part croissante des dépenses va dans ce sens. Elle a déjà contribué à dichotomiser le système public d'assurance maladie, le taux moyen de prise en charge (de l'ordre de 76 %), recouvrant en réalité en effet deux situations distinctes, celle des patients pris en charge à 100 % sur fonds publics, soit au titre d'une ALD (9 millions de personnes), soit au titre d'une hospitalisation, soit encore au titre de la CMU (4,5 millions de personnes), et celle des personnes non hospitalisées ne relevant pas d'une ALD et ne bénéficiant pas de la CMU, dont le taux de prise en charge publique n'excède pas 60 %. Le solde est couvert par des assurances complémentaires " normales " (hors CMU) ou, pour le patient lui-même. Ce dualisme croissant, où les " riches " et les " biens portants " voient réduire leur prise en charge publique, constitue une modalité silencieuse de substitution d'une solidarité " verticale " à la solidarité " horizontale ", que nos élites veulent depuis longtemps dépassée.

De grands penseurs comme récemment DIDIER TABUTEAU voient plus loin. Il faut, dit-il, sans aucun tabou débattre des modes de financement, des modes de rémunération et de paiement.

Et pour être plus claire, Didier Tabuteau, autre grand économiste de la santé avec Claude Le PEN, le dit franchement, les partenaires sociaux ne sont plus légitimes à ses yeux, pour siéger à l’assurance maladie et définir notamment le contenu des politiques conventionnelles. S’il ne conteste pas leur légitimité dans le champ de la démocratie sanitaire et sociale où ils ont vocation à exprimer les attentes de leurs mandants, de tous les cotisants à l’assurance maladie. En revanche, pour lui, le pilotage de la politique de santé ne leur est plus dévolu de fait et qu’il n’est pas bon de maintenir des institutions qui représentent une forme de pouvoir sur la politique de santé alors qu’il n’est plus exercé du fait de la création de la CSG, de l’institution de la loi de financement de la Sécurité Sociale et de la réforme des caisses de 2004. Maintenir un système dual entre l’Etat et l’assurance maladie pour la conception et le pilotage de la politique de santé et d’assurance maladie, revient à conduire une voiture avec deux volants, deux accélérateurs et deux pédales de freins. Pour lui, cette dichotomie est aujourd’hui préjudiciable au système de santé.

Il faut donc s’acheminer vers une unification du pilotage avec d’un côté une assurance maladie gestionnaire et liquidateur des prestations, tête de réseau de caisses primaires et de l’autre, une unité de pilotage dans une agence de promotion et de régulation de la santé, qui permettrait à l’Etat d’assumer pleinement sa responsabilité de santé publique qui est de facto celle qui figure dans les textes et que la population lui reconnaît. Claude Le Pen recommande ainsi la création d’une Agence Nationale de Santé, qui irait plus loin que les ARS au plan régional, en unifiant UNOCAM, UNCAM et DGSS, faisant ainsi éclater les différentes branches, avec une remise en cause du système de financement actuel.

 

Cette étape est recommandé par l’Union européenne, qui dés les années 90, avait ouvert le champs de la privatisation de l’assurance sociale, en exigeant la fin du système mutualiste tel que nous le connaissions jusqu’en 2001, date de la séparation en France du livre II du Livre III, soit la séparation du secteur social et solidaire mutualiste (centre de santé, hôpitaux mutualistes, …) du secteur assurantiel mis en concurrence sur le marché français, et bientôt international grâce au TAFTA( traite de libre échange avec les USA). Cette étape a nécessité au préalable, pour éviter un effondrement de l’accès aux soins des plus démunis, la création de la CMU-C et plus tard de l’aide à la complémentaire santé (ACS). L’Accord National Interprofessionnel (ANI) a depuis rendu obligatoire, par appel d’offre, les contrats de groupes, rationalisant la partie complémentaire. Le tiers payant généralisé devra permettre que la frontière entre les deux systèmes de prise en charge ne soit plus perceptible pour le patient, afin que ce dernier ne sache plus qui paye quoi (et par ailleurs rendre le cabinet libéral aussi attractif que l’Hôpital, une façon d’en réduire le nombre de lits) !!!

 

 

 

Fabien Cohen

 
 

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