Commission santé et protection sociale du Parti communiste français

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Halte aux privatisations !

Par Dimicoli Yves , Maury Fabien , le 31 juillet 2003

Halte aux privatisations !

La Bourse va mieux, alors le gouvernement Raffarin s’empresse de relancer une course effrénée aux privatisat ions .

Après la vente de 10,9% du capital du Crédit Lyonna is, il y a eu le désen gagement de la Caisse des dépôts du capital d’Eulia, avec la pers pective d’une privatisation des activités financ ières du grou pe public, puis la vente de 8,5% du capital de Renau lt.

Alors que La Poste va êtr e soum ises à de nouvelles déréglementat ions, le gouvernement s’appr ête à faire passer un projet de loi visant à bana liser définitivement France Télécom et à abroger l’obligation de détent ion majoritaire de son capital par l’Etat .

Philippe Marini, rappor teur généra l UMP de la Commission des Finances du Sénat , annonce la poursu ite du feu d’ar tifice : France Télécom , Snecma , Autor outes de France « pourra ient conna ître des cess ions de blocs de titres ». D’ailleurs , la loi de Finances 2003 a pr ogrammé 8 milliar ds d’eur os de pr ivat isat ions et il n’en a été réa lisés pour l’heur e que 3,4 milliards d’eur os.

EDF et GDF sont dans le viseur, même s i, p our ces entreprises publiques , Le gou vernement est contra int d’avancer masqué face à l a mob ilisat ion des salariés et à l’attac hement des usagers .

Mais il projette de mettr e en concurrence accrue les deux éner géticiens , au lieu, comme le deman de la CGT, d’accr oître leur par tenar iat jus que dans un par tage des moyens.

Au-delà, ce sont Thomson , Bull, Dassau lt Systèmes , SANEF, ASF, Aéropor t de Paris et 1 500 entr eprises à capitaux publics ou mixtes em ployant plus d’un million de personnes qui pourra ient êtr e progress ivement remis aux mains du marché.

Il s’agit, comme l’a affirmé le rappor t Douste -Blazy, de faire des entr eprises publiques « des entr eprises comme les autr es », obsédées par la renta bilité financ ière, la concur rence cou pe-gorge et tota lement déres ponsa bilisées aux plans social et national.

Le gouvernement Raffarin exécute en fait la recomman dation qui lui a été faite récemment par l’OCDE d’» accé lérer le programme de désinvest issement » de l’Etat en s’appuyant pour cela sur les récentes expériences tchèque , slovaque et hongroise (sic) !

Ces décisions visent à rappor ter des recettes supp lémenta ires pour tenter de revenir dans les bornes de déficit public autor isées par le Pacte de stab ilité. Et cela d’autant plus que les autr es recettes publiques sont minées en raison de la croissance faible et de la diminution des impôts et les cotisations sociales patr onales sur les profits, les revenus financ iers du capital, les grandes for tunes . Dans le même moment , l’emploi des fonct ionnaires est malmené, les moyens des ser vices publics sont rat ionnés et la rémuné rat ion de l’épargne populaire est abaissée .

Cette fuite en avant, loin de préser ver « les intérêts patrimoniaux de l’Etat », brade les atouts de la France aux fonds de pension anglo-saxons.

Cette politique de classe , de liquidation nat ionale et anti-eur opéenne est dangereuse .

Il ne peut y avoir d’avenir positif pour les ser vices publics sans un nou vel essor d e l’a ppr o pr iat ion soc iale des grandes entr e pr ises , sans pr omot ion d’entr eprises publiques d’un nou veau type. Il faut défendre ces dernières et les renou veler, moyennant une profonde trans format ion de leur gest ion visant l’efficacité sociale, au lieu de la renta bilité financ ière, et l’octr oi de nouveaux pouvoirs au x sa lar iés et d e nou veau x droits aux usa gers afin d e l a réor ienter.

Il s’agit simultanément de cher cher à progresser dans le sens de coo pérat ions très audacieuses aux plans national, européen et même mond ial pour que ces entr eprises, conjointement au développement de leur offre de ser vice public, assument une grande mission nou velle de sécur isation de l’emploi ou de la format ion.

Il faut les dégager de l’emprise du marché financ ier et, pour cela, développer un nouveau cré dit banca ire à moyen et long terme dont le taux d’intérêt sera it d’autant plus abaissé que les investissements réalisés par les entr eprises programmera ient plus de créat ion d’emplois, de mises en format ion. Pour cela, il s’agit, non de privatiser la Caisse des dépôts, mais de constru ire à par tir d’elle et des Caisses d’épargne un pôle financ ier public chargé d’impu lser un ser vice public du cré dit pour l’emploi et la format ion.

Cela devrait concerner auss i le niveau eur opéen avec la réor ientat ion indispensab le de la BCE qui doit accor der la priorité à l’emploi et à la format ion et êtr e contrô lée par les parlements eur opéen et nationau x.

Les services publics : une dimension essentielle d’un modèle social européen

Par Commission services publics du PCF , le 31 March 2003

Les services publics : une dimension essentielle d’un modèle social européen

Il y a urgence à enraciner la construction de l’Europe dans les aspirations des peuples qui la composent. La réponse à leurs attentes en matière de services publics modernes et répondant efficac ement aux défis de société d’aujourd’hui est une des voies à suivre pour construire un véritable modè le social européen.

Sns élaborat ion dans ce sens , l’élargissement en cours se tradu ira par de nouvelles inégalités et tens ions qui mettr ont vite en péril le projet d’unité eur opéenne

lui-même. C’est auss i et seulement en portant un tel modè le que l’Europe peut jouer un rôle internat ional face à la toute puissance des Etats -Unis, avec l’ambition de chang er le cours de la mondialisation.

Dans les ser vices publics comme dans d’autr es domaines, cela suppose de profondes réor ientat ions, et notamment la rupture avec les conceptions libérales dévastatr ices qui ont prévalu jus qu’à aujour d’hui.

Partout, des besoins immenses de service public

Au-delà des spéc ificités léguées par l’Histoire, le besoin de services publics est commun à tous les peuples. Et ce besoin n’a jamais été auss i for t.TION DE SERVICE PUBLIC

D’abord parce que cette notion est au point de rencontr e d’as pirations fondamenta les :

L’égali té : avec l’o bject if d e donner à chacun le droit d’accès à un cer tain nom bre de biens et de prestat ions jugés essent iels, indépen damment du revenu .

La solidarité : avec l’am bition d’assur er la cohésion sociale et terr itoriale, notamment à travers les systèmes de péré quation tarifaire et l’obligation de fourn itur e du ser vice sur tout le terr itoire.

La maîtris e citoyenn e : avec l’idée que les secteurs d’activité relevant d e l’intérêt généra l doivent faire l’objet de politiques publiques.

Ensuite parce que, bien loin de démo der ces valeurs , les évolutions de notr e société l’app arition de profon des fractur es sociales et démocrat iques, le changement des modes de vie, les mutat ions techno logiques , les défis du codéveloppement et de la préser vation de l’environnement poussent au contra ire à élargir le champ de définition du ser vice public :

Par exemple, à étendre la notion de droit d’acc ès, au-delà des ser vices « trad itionne ls », à des domaines comme le logement ou le cré dit, ou aux nou veau x ser vices permis par les progrès techno logiques , notam ment dans le secteur de la commun icat ion.

Mais auss i à intégrer aux missi ons de service public de nouveaux objectifs : la lutte contr e les exclusions et la pauvreté, la contr ibution à un mode de développement soutenab le, la promot ion de l’em ploi qualifié, l’extens ion de la démocrat ie à tra vers des droits et des pouvoirs permettant aux peuples de s’appr oprier effect ivement le fonct ionnement des ser vices .

L’Europe libérale tourne le dos à ces exigences

Comment la logique libérale s’est appli quée aux services publics en Europe

La ph iloso phie qui est à la base des mesur es qui ont été prises depuis vingt ans dans le doma ine des ser vices publics, c’est le dogme de la concurrence et du “ tout marchandis e ” comme mode d’organisation unique des rappor ts économ iques entr e les hommes .

L’offens ive pour imposer cette conce ption libéra le est sens ible à tous les niveaux :

  • au plan mond ial, avec le projet d’AGCS dans le cadre de l’OMC ;
  • au plan eur opéen, avec les directives et règlements édictés par la Commission de Bruxelles ;
  • au plan national, avec les lois de transpos ition de ces directives et les privatisations.

Elle a un but : casser les monopoles publics et livrer ainsi de nouveaux secteurs d’activité aux appétits des grands groupes multinationaux qui, confrontés à la crise de rentabilité, cherchent de nouveaux moyens de mettr e en valeur le capital.

En Europe, la notion de ser vice public n’a jamais été reconnue . Dès le tra ité de Rome, les principes de « libre concurr ence » et de « liber té d’éta blissement » ont été placés aux fondements mêmes de la Communauté Européenne . C’est en leur nom qu’à par tir de l’Acte Unique en 1986, puis de manière accé lérée avec le tra ité de Maastricht en 1992, les ser vices publics ont été progress ivement livrés aux règles du marché.

Dans cette construct ion, la concurr ence est la norme . Les « Ser vices d’Intérêt Généra l » ne peuvent au mieux bénéficier que de dérogations. Mais celles-ci impliquent que l’Etat ou l’autor ité de tute lle concerné fasse la preuve auprès de la Cour de Just ice que la concurr ence fait obst acle à la mise en œuvre des missions d’intérêt généra l. Le « ser vice universe l » défini dans ce cadre n’est qu’un minimum social sans rappor t avec les exigences d’aujourd’hui (par exemple pour les télécommun icat ions : le bott in, les ca bines publiques, les commun icat ions de base indispensab les) .

Les effets de la libéralisation

Toutes les réformes de libéra lisation des ser vices publics ont été présentées comme répondant à l’intérêt des usagers. La concurr ence devait notamment entra îner la baisse des tar ifs et l’améliorat ion du ser vice. La réalité, en France et en Europe, témo igne au contra ire d’une évolution inverse :

Parce que la concurr ence por te toujours sur la par tie renta ble des activités et la fract ion solvable des consom mateurs , les choix d’invest issements et de tar ificat ion, uniquement guidés par les objectifs de renta bilité financ ière et de con quête de par ts de marché, ont entra îné une aggravation des inégalités dans l’accès aux ser vices . Dans les ser vices postau x ou les télécommun icat ions , les grandes entr eprises ont été ainsi systémat iquement favorisées au niveau des prix au détr iment des usagers domest iques et d es PME-PMI. L’a b an d on d e nom br euses d esser tes aér iennes régionales, la non-cou ver tur e de tout le terr itoire par les réseau x de téléph onie illustr ent de même les désé quilibres terr itor iaux induits.

La concurr ence a poussé auss i à rédu ire les coûts pour emporter les marchés, donc à une press ion sur les salaires, l’emploi, les garant ies collect ives, c’est-à-dire au dumping social. Cette déré glementat ion sociale a été nota ble dans les entr eprises privatisées , mais auss i dans les entr eprises publiques avec notamment le développement de la précarité (1/3 des effect ifs de la Poste) .

De même , cette logique a con duit à sacrifier les impératifs de sécurité, de préservation de l’environne ment, d’économie et de renouvellement des ressources naturelles. On l’a vu avec les accidents dans les transpor ts en Grande -Breta gne, ou encor e avec une libéra lisat ion de l’éner gie poussant à l’épuisement des ressour ces gazières (les moins chères, mais auss i les plus rar es) . L’actue l projet visant à mar chandiser le contrô le aér ien est également significatif.

Le résu ltat majeur de l’ouverture des marchés a été de subst ituer aux anciens monopo les publics des oligopoles privés. Cette évolution, par ticulièrement visible dans des secteurs comme le transpor t aérien ou les télécommun icat ions , s’est tradu ite par de véritables sinistres pour l’industrie et l’emploi (comme le montr e l’exemple d’Air Lib).

Il y a auss i eu un impact préjudiciable sur l’évolution des entreprises publiques. Tout en ne s’attaquant pas directement à leur statut public, mais en les mettant en concurr ence avec les opérateurs privés, les directives de Bruxelles les ont incitées à aligner leur gestion sur les mêmes critèr es, préparant ainsi leur privatisation. Comme cela a été le cas à France Télécom , l’entrée du capital privé dans les entr eprises publiques accentue encor e cette tendance en soumettant leur gest ion aux exigences de rémunérat ion des marchés financ iers , provoquant une fuite en avant dans une croissance financ ière génératr ice d’endettements cons idéra bles.

Enfin, les moyens d’intervention et de contrôle des citoyens sur les services ont reculé alors que progressa it la mainmise des groupes privés, les différentes instances de régulation se révélant impu issantes à contrô ler les prix et à prévenir les crises, comme le prouvent les exemples des télécommun icat ions , de l’audiovisuel ou de la gest ion de l’eau en France .

Partir des résistances pour construire une alternative

Mais face à cette offens ive libéra le, des mouvements pour le service public se développent à l’initiative de forces diverses , syndicales, assoc iatives, politiques.

Ces dernières années , ces mou vements ont dépass é la seule dimension nationale. Un rassemb lement a commencé à prendre forme en Europe et dans le monde , pensé et vécu non pas comme un subst itut aux luttes locales et sector ielles, mais en ar ticulation avec elles et comme con dition indispensab le de leur efficacité, depuis les premières

« euroman ifs » des électr iciens-gaziers , cheminots , postiers aux mob ilisat ions lors des sommets de Nice, Bruxelles, Barcelone, et aux récents Forums Sociaux.

Ces mou vements , qui ont perm is de freiner cer tains projets , mettent en évidence le besoin de ne pas en rester à la contestat ion et à la résistance aux mauvais cou ps et de constru ire une alternat ive.

L’Europe est aujourd’hui un terrain essentiel d’élaboration d’une telle alternative.

En effet, celle-ci ne peut pas êtr e le retour à un mode de fonct ionnement où les ser vices publics relèveraient exclusivement des prérogatives des Etats :

D’abord pour des raisons liées au développement des moyens de production : des secteurs comme la distr ibution d’éner gie, les télécommun ications, le transpor t ferr oviaire ou aérien nécess iter ont de plus en plus par leur natur e même la définition de règles au-delà du seul niveau national.

Ensuite parce que le besoin de développer les ser vices publics est universe l : les différences cons idéra bles qui existent aujour d’hui entr e les pays en termes d’accès des populations aux ser vices impliquent une coo pérat ion internat ionale et l’élaborat ion de normes communes suscept ibles de permettr e une harmon isation par le haut.

Quels objectifs, quelles propositions ?

Une construction fondée sur d’autres principes

Jeter les bases d’un véritab le ser vice public eur opéen implique d’autr es textes fondés sur un changement radical d’appr oche :

A l’inverse de l’impos ition d’un modè le unique basé sur la concurr ence , le ser vice public en Europe doit se conce voir dans le respect des spécificités des différents pays et en combinan t les points forts de chaqu e expérience nationale. Le modè le frança is a cer tainement à app or ter en ce qui concerne les moda lités de l’égalité d’accès à tra vers les systèmes de péré quation tar ifaire, l’intérêt d’entr eprises publiques en situat ion de monopo le, les statuts assurant pérennité et indépendance des personne ls. En revanc he, en matière de décentra lisat ion des pouvoirs aux collect ivités locales, d’autr es exemples sont à prendre en com pte, comme celui de l’Allema gne avec le rôle ass igné aux Länder.

Ceci implique auss i le res pect du principe de subsidiarité. A par tir de normes minimales de ser vice fixées au niveau de l’Union, chaque pays doit rester maître de ses choix internes d’organisation : monopo le ou multiplicité d’opérateurs , entr eprise publique ou concess ion privée de ser vice public.. L’app licat ion de ce principe just ifie la défense des entr eprises publiques en France et permet tra it la mise en place de droits de contrô le renforcés chez leurs concurr ents privés.

Enfin, cela suppose la réversibilité des décisions, principe démocrat ique aujour d’hui nié par l’Europe libéra le, tous les examens faits lors des Conse ils des Ministres de l’Union sur l’application des directives n’ayant jus qu’ici ser vi q u’à lancer d e nou velles éta pes de libéra lisation des marchés publics. D’où l’idée, déjà avancée par le PCF en 1999, d’un droit de pétitionnement citoyen qui, au-delà d’un cer tain seu il de signatur es, entra înera it obligation pour l’Etat ou le groupe d’Etats concernés de deman der la renégociation de textes eur opéens comme les directives et règlements .

En s’app uyant sur le conce pt de “ Ser vices d’Intérêt Généra l ” déjà a dm i s p ar l’Eur o p e , et en lui donnant une place et un contenu entièrement nouveaux, on peut agir pour des trans format ions selon trois axes essent iels :

  • La d é marchandisa t i on d es ser vices publics pour les soustra ire à la dictatur e de la concurr ence et des marchés financ iers ;
  • Leur d é m o cratisa t i on , p our donner la maîtrise effect ive des ser vices aux citoyens (usagers , salariés, élus) ;
  • La coopération entr e opérateurs des différents pays (quel que soit leur statut ), pour assur er une cont inuité de ser vice à l’échelle du cont inent , par tager les coûts d’invest issement , de format ion, de recherche, développ er l’em ploi.

Des objectifs politiques concrets

Une plac e nouvelle pour les SIG dans le futur traité européen :

L’adoption en 2004 par la Conférence Inter -Gouvernementa le d’un nou veau tra ité const itut ionne l de l’Union Européenne est un moment essent iel car elle déterm inera le cadre généra l pour l’évolution des SIG. C’est l’occas ion :

D’imposer l’instauration de droits d’acc ès aux biens et services publics (l’éner gie, les systèmes de trans por ts, les moyens de commun icat ion, l’eau, le logement , le cré dit, la santé , l’éducat ion, la cultur e,…) comme un objectif fondamenta l de l’Union (à inscr ire dans la Char te des Droits Fondamentau x en préambule du tra ité) ;

De poser l’exigence de la reconna issance dans le tra ité d’un secteur de services d’intérêt général situé de droit en dehors de la sphère marchand e et plac é sous maîtrise publique.

De concrét iser le droit à l’informat ion et à la par ticipation des citoyens à la définition et à l’évaluation des ser vices , à tra vers la création d’un Haut Conseil des Services d’Intérêt Général à l’échelle de l’Union, rassemb lant élus, syndicats , assoc iations d’usagers , repr ésentants des Etats , et chargé de réa liser une évaluation régulière et plurisector ielle des SIG.

Un moratoire sur la libéralisation des services :

En même temps qu’il faut se préoccu per du contenu du futur tra ité, il y a auss i besoin de rassemb ler pour stopper sans attendre la vague de libéralisation qui se poursu it : processus d’ouverture com plète par éta pes des marchés de la poste et de l’éner gie, projets concernant le contrô le aérien, le fret ferr oviaire, les transpor ts de voyageurs ,… D’où l’exigence d’un morato ire sur tous ces textes ,

com biné avec l’engagement d’un débat public à l’échelle de l’Union à partir d’un bilan contradictoire de la libéralisation. Ce bilan (deman dé par le Parlement Européen luimême) por tera it sur :

  • les résu ltats en matière d’accès des populations aux ser vices ,
  • les tarifications pour les différentes caté gories d’usagers (domest iques et entr eprises ),
  • la qualité des ser vices ,
  • les effets sur l’emploi,
  • les consé quences en matière d’aména gement du terr itoire,
  • les consé quences sur la gest ion d es ressour ces natur elles et l’environnement .

Renégocier les directives et règlements concernant les services publics :

Dans chaque secteur , il s’agit d’engager une refonte com plète des textes eur o péens et de leurs déclinaisons nat ionales en fonct ion d’une logique de ser vice public :

  • En élargissant le cham p des prestat ions access ibles à tous p our pr en dr e en com pte les beso ins de la soc iété contem p ora ine. Ceci passe par l’extension du “ service universel ”.
  • En adoptant des mesur es anti-dumping social. L’object if est d’étendre à l’ensemble des opérateurs les dispositions les plus avanc ée s du s e ct e ur. Cela signifie imposer aux opérateurs entrants de s’aligner sur les acquis en vigueur (grilles de salaires, retra ites et protect ion sociale, em ploi et format ion, garant ies collect ives et droits d’inter vention).
  • En conférant aux usagers , salariés, élus le pouvoir de définir les missions , d’organiser les ser vices , de contrô ler et d’évaluer leur bonne exécut ion, de décider des politiques tar ifaires, y com pris des éventue lles gratu ités à instaur er. Cela suppose la transformation du rôle et de la composition des “ autorités de régulation ” que les textes actue ls imposent avec comme seul but d’organiser la concurr ence , pour en faire un instrument d’une régulation citoyenne .
  • En changeant la gestion des infrastructur es de réseau x. Une des consé quences les plus négatives et les plus visibles de la guerr e économ ique est en effet le gâchis d’invest issements dans des équipements concurr ents , coûteu x, qui font doublon ou sont surdimens ionnés , au détriment d’un aména gement plus performant du terr itoire à coûts équivalents . Ce constat just ifie l’instau rat ion d’une véritable maîtrise publique des infrastructures de réseaux par la créat ion de monopo les publics nationau x et à terme eur opéens .

Le retrait de l’Europe de l’AGCS :

C’est l’Union Européenne en tant que telle qui par ticipe aujour d’hui aux négociations sur l’AGCS visant à libéraliser de façon irré vers ible tous les secteurs de ser vice à l’échelle mond iale, et cela dans le plus grand secr et. L’ensemb le des ser vices publics est concerné , y com pris l’éducat ion, la santé , la cultur e. Or, il s’agit au contra ire de cons idérer ces biens et ser vices comme n’étant pas des mar chandises et ne devant donc pas relever des règles d’organisation du commer ce.

C’est pour quoi, dans l’optique de la promot ion d’un modè le social et économ ique original, l’Union Européenne devrait se déclarer zone hors AGCS, à l’image du mou vement qui commence à se dess iner dans plusieurs grandes villes.

(Il faut noter que les eur odéputés frança is socialistes et de droite ont voté contr e une réso lution proposée au Parlement Européen par les groupes de la Gauc he Unie Européenne et des Verts réclamant un morato ire sur l’AGCS).

Un chang ement de la stratégie des entreprises publiques françaises :

Le secteur public peut êtr e un vecteur privil égié pour promouvoir un autre type de logique économiqu e. Mais cela suppose des modifications majeur es dans la straté gie des entr eprises publiques, et notamment dans leur développement internat ional qui doit êtr e fondé sur des objectifs de ser vice public et l’engagement dans des rappor ts de coo pérat ion avec les autr es opérateurs , et non sur la croissance financ ière.

Ceci implique notamment le maintien de leur statut public et le refus des ouvertures de capital et des privatisations.

 

Construire un nouveau modèle d’entreprise publique

Par Commission services publics du PCF , le 01 February 2003

Construire un nouveau modèle d’entreprise publique

La notion de service public est le point de rencontre d’aspirations fondamentales :

  1. L’égalité : en terme de droit d’accès pour tous à un certain nombre de biensjugésessentiels, indépendamment du niveau de revenus.

  2. La solidarité : avec l’objectif de cohésion sociale et territoriale, notamment à traversles systèmesde péréquation tarifaire et l’obligation d’assurer le service sur tout le territoire.

  3. La maîtrise citoyenne : avec l’idée que les secteurs d’activité relevant de l’intérêt général doivent faire l’objet de politiques publiques.

Un besoin profond de réforme et de reconstruction

Les évolutions de notre société (la mondialisation de la production et des échanges, l’émergence de nouvelles technologies et donc de nouveaux biens et services, l’explosion des inégalités, des exclusions et du chômage) renforcent le besoin de service public et poussent à élargir le champ de ses missions.

Par exemple sur l’égalité d’accès : dans notre pays, l’éducation, la santé, les transports, l’énergie, la poste, sont considérés comme relevant du service public. Mais ne faut-il pas étendre cette notion à d’autres domaines comme l’eau, le logement ou le crédit pour répondre aux besoins d’aujourd’hui ? Et aussi intégrer les nouveaux services découlant des avancées technologiques, notamment dans le secteur de la communication, si on ne veut pas que ces progrès débouchent sur l’aggravation de la fracture sociale?ENTREPRISE PULIQUE EST A INVENTER

Au-delà, la nécessité de protéger l ’ envir onnement et d’ assurer le renouvellement des ressources naturelles, les aspirations à vivre mieux et à participer aux décisions poussent à faire de la contribution au développement durable, au progrès social, à la participation citoyenne des missions de service public en tant que telles. Cependant, il n’y a consensus ni sur les contenus du service public, ni sur ses formes. Les uns comme les autres font l’objet de bataill es politiques :

  • Dans les conceptions qui s’inscrivent dans le cadre du système capitaliste, il s’agit d’assurer un service là où le marché ne peut le faire (c’est la vision des ultra-libéraux), ou de corr iger les effets négatifs de ce dernier (c’est celle du social-libéralisme).

  • Dans la conception communiste, le service public est au contraire conçu comme un levier de la transformation de la société et de la construction d’un monde plus juste et plus solidaire.

C’est parce qu’elle porte ainsi des enjeux essentiels pour l’avenir de notre monde que la question du service public est aujourd’hui l’un des principaux terrains de la lutte qui oppose partisans et adversaires du libéralisme.

Cet affrontement se joue essentiellement sur deux plans :

  • Le type de rapports qui doivent gouverner l’économie des ser vices (concurrence ou coopération) ;

  • Les structures à mettre en place, et donc la place, la finalité et le fonctionnement du secteur public (c’est-à-dire des entreprises publiques en réseau assurant un service public et des administrations publiques).

Or, sur ce deuxième point, l’indice de satisfaction global des Français ne doit pas masquer le décalage qui grandit entre les besoins de service public et la réalité. Après avoir apporté une contribution décisive au développement de la société, le secteur public est aujourd’hui en crise, victime de deux maux :

  • Le premier est un défaut hérité des origines et marquant les limites du modèle français de service public, c’est l’étatisme et l’absence de pouvoir réel des citoyens en termes de décision et de contrôle.

  • Le second est la prégnance des critères de rentabili té, aggravée par l’ouverture des activités à la concurrence et les privatisations.

Face à cette crise, il serait illusoire d’opposer aux projets actuels des libéraux la simple défense d’un existant qui ne répond plus qu’imparfaitement aux attentes de notre société et se trouve véritablement miné par la logique du privé. Si les luttes de résistance ont permis de freiner la remise en cause des pr incipes et des conquêtes sociales qui fondent l’existence du secteur public, elles sont en effet restées impuissantes à remettr e en cause les orientations de fond. Aujourd’hui, bien loin de constituer un rempart efficace contre les thèses libérales, le secteur public tend à jouer le rôle d’accélérateur de la mondialisation capitaliste. Pour qu’il devienne un instrument de réponse aux besoins et de maîtrise des services par les citoyens, une refonte profonde de ses objectifs, de ses choix stratégiques,de ses modes de fonctionnement est incontournable.

 

Un nouveau modèle

d’entreprise publique

est à inventer.

 

 

 

Changer les stratégies et les gestions

 

Se dégager des marchés financiers

En raison de la réduction des dépenses sociales de l’Etat et des charges financières qu’elles supportent, la plupart des ent reprises publiques souffrent aujourd’hui d’un manque de moyens plus ou moins criant pour faire face à leurs missions actuelles. Or, il s’agit d’étendre largement le champ de ces missions, de faire des services publics un vecteur pr i v ilégié de développement des capacit és humaines, en termes d’emplois, de formation, de progrès technologique, de recherche et de coopérations nationales et internationales. Des ressources supplémentaires importantes doivent donc être dégagées. Comment relever en pratique ce défi autrement qu’en privatisant : telle est la question.

Donner aux services publics un rôle moteur dans la transformation de la société implique qu’une partie plus importante des richesses produites leur soit réallouée. Le rôle de l’Etat est donc essentiel, mais des changements d’orientation majeurs sont nécessaires :

  • Le desserrement des contraintes qui pèsent sur le budget national, en premier lieu l’abandon du corset que constitue le Pacte de stabilité européen conçu pour les seuls intérêts des marchés financiers ;

  • L’inversion des priorités au bénéfice des dépenses sociales ;

  • Une réforme de la fiscalité frappant les revenus spéculatifs et les grandes fortunes, à l’opposé d’une baisse des impôts qui profite essentiellement aux plus riches et qui a pour corollaire la dégradation des ser vices publics.

Ces t rois réformes per met t r ai ent de dégager des ressources nouvelles pour une augmentation significative des budgets publics.

Ces réflexions ne sont cependant pas exclusives du besoin d’impliquer directement d’autres acteurs économiques.

On connaît la contribution souvent décisive du secteur public aux immenses profits patronaux. Plus de la moitié de ceux-ci ne va pas à des investissements productifs créateurs de richesses et d’emplois, mais sert à des placements boursiers, phénomène à l’or igine de la crise profonde que traversent les économies. Ce constat est un point de départ pour imaginer de nouvelles sources de financement.

Un point essentiel dans cette recherche est la nécessité de se dégager de l’emprise des marchés financiers.

Ainsi, l’expérience a montré en quoi l’ouverture au capital privé, même limitée, était incompatible avec un développement de service public, en raison de la logique de rentabilité vers laquelle pousse la pénétration de capitaux privés aux détriments des objectifs de progrès social pour les usagers et les salariés des services publics. Souvent, cette logique est d’ailleurs déjà à l’œuvre avant même l’ouverture du capital, précisément dans le but d’att irer le privé en offrant un taux de profit substantiel. Par ailleurs, la question des privatisations ne peut plus être abordée à l’ère de la financiarisation de l’économie dans les mêmes termes qu’il y a vingt ans. En effet, avec la volatili té des marchés financiers, les actionnaires privés ne peuvent plus être considérés comme des partenaires stables. Chacun a en mémoire la grave crise provoquée fin 1998 dans le groupe Alcatel par le départ des fonds de pension américains qui détenaient 40% du capital. Mais le récent effondrement de Vivendi (qui s’est conclu par la vente d’une partie de ses actifs) démontre qu’il est devenu illusoire de constituer des prétendus «noyaux durs »censés protéger les entreprises privatisées des vicissitudes de la Bourse.

D’autr es pistes que l’ouverture au capital privé doivent donc être envisagées, dans le cadre de la bataille pour une autre utili sation de l’argent.

Une idée profondément novatrice, avancée par les économistes communistes, est de mobiliser les ressources gérées par le système bancaire et de crédit.

Cela implique une mutation du rôle et de l’architecture de ce système, avec la création d’un pôle public rassemblant les banques et institutions publiques et semi-publiq ues, à but non lucratif, à vocation mutualiste ou coopérative (Caisse des Dépôts, Caisses d’Epargne, services financiers de la Poste, …).

La mission de ce pôle serait de mettre le crédit au service de l’emploi, de la formation et du développement technologique. Il pourrait également jouer un grand rôle pour proposer des solutions de financement aux entreprises publiques industrielles et réduire en particulier leur endett ement . Des crédit s à moyen et long ter me seraient accordés à des projets d’investissements avec des taux bonifiés en fonction de leur contribution à la création d’emplois et à la croissance réelle de l’économie, et cela sous le contrôle des salariés, des populations et de leurs élus. Cette formule ne serait bien sûr pas réser vée aux seules entreprises publiques, mais celles-ci pourraient faire la preuve de leur supériorité sur le privé dans la réponse aux critères requis, faisant par la même la démonstration de l’efficacité de telles incitations. Un Fonds national décentralisé serait chargé de la distribution de ces crédits bonifiés, alimentés notamment par la conversion des actuelles aides publiques à l’emploi, dont on sait comment elles sont actuellement détournées de leur objectif. Ces crédits pourraient en partie ne pas être remboursés, mais conver tis progressivement en participation du Fonds national dans les entreprises concernées, ce qui présenterait l’avantage de consolider la propriété publique de ces dernières.

On peut envisager également des prélèvements spécifiques, gérés directement par les autorités de tutelle des services. C’est déjà le cas dans les transports urbains franciliens, où les entreprises participent au financement des infrastr uctures et de l’exploitation à travers le versement transport et la prise en charge d’une partie du coût de la Carte Orange. Les bénéficiaires réels des réseaux que sont les grands centres commerciaux ou les promoteurs immobili ers pourraient de même être mis à contribution.

De nouveaux critères de gestion

Qu’est-ce que l’efficacité et comment la mesurer ? Cette question au centre des choix de gestion du secteur public a de tout temps fait l’objet de polémiques. Avec le débat sur la responsabilité sociale de l’entreprise, elle prend une acuité plus grande. Cependant, faute d’alternative élaborée, les réponses dominantes ont été et restent celles imposées par la vision capitaliste de l’économie : hier la minimisation des dépenses de fonctionnement pour s’inscrire dans les politiques d’austérité, aujourd’hui la maximisation de la rentabili té des capitaux et de la marge brute d’exploitation pour gagner en compétitivité et favoriser la croissance financière.

Proposer et imposer de nouveaux critères de gestion est donc un impératif pour les forces qui veulent réorienter la finalité des entreprises et administrations publiques. Ces critères, appelés à servir de référence interne, mais aussi dans les rappor t s avec les t ut el les, doi vent être bâtis à partir des obj ect i fs de ser v i ce publi c et par conséquent intégrer les différent es « ext ernalités » engendrées par l’activité de l’ent reprise : l’impact sur la réduction des inégalités, sur l’emploi, sur l’environnement. Ils doivent ainsi met t re en rapport le coût des moyens humains et mat ériels engagés avec :

  • D’ une par t l a val or i sat ion des services produits (qui est fonction de leur utilité sociale, du nombre d’usagers y accédant et du niveau de qualité des prestations),

  • D’autre part les économies induites à l’échelle de la société par la création d’emplois, par la mise en œuvre de procédés de production non-polluants, par la contribution au renouvellement des ressources, par la contribution au financement de la protection sociale.

Cette démarche porte une nouvelle conception de l’efficacité, mesurant la contribution de l’entreprise à l’aune de son apport aux besoins de la collectivité humaine. De ce mode d’évaluation découlent des principes de gestion radicalement en rupture avec le modèle de l’entreprise privée, tels que la compensation entre activités bénéficiaires et activités déficitaires, la péréquation tarifaire, l’utilisation d’une partie des surplus pour la recherche-développement.

Les prémisses de tels principes existent d’ailleurs dans le fonctionnement actuel du secteur public. C’est par exemple le cas avec le type de facturation pratiqué par EDF : c'est le coût de production de la dernière centrale appelée sur le réseau qui est pris en compte en cas d’augmentation de la demande. Ces tarifs traduisent ainsi dans leur structure les coûts marginaux de développement du système électrique, favorisant une vision à long terme de la politique énergétique. Quant à leur niveau, il est globalement ajusté de manière à assurer un équilibre des comptes de l'entreprise, à l’opposé de toute recherche de profitabili té. Il est tr ès significatif que ce mode de calcul, déjà écorné depuis les années 80 (dans la mesure où EDF est sollicité pour apporter des recettes au budget de l’Etat), soit actuellement remis en cause par les partisans de l’ouverture à la concurrence et de la privatisation de la distribution de l’énergie.

Vers la coopération économique

Les ravages quotidiens de la guerre économique en termes de suppressions d’emplois, de gâchis de ressources naturelles, d’inégalités de développement, de sources potentielles de conflits obligent à envisager un autre avenir pour les relations économiques, faute de quoi c’est l’existence même de l’espèce humaine qui est menacée.

Un autre modèle de développement fondé sur la coopération est à promouvoir. Le sect eur publ i c a un r ôl e important à jouer dans ce sens.

Et d’abord en son sein.

Car une des conséquences du libéralisme est l’exacerbat i on de l a concurrence au sein même du secteur public. Le transport de voyageur s en fourni t quel ques ill ustrations significat i ves : l à où i l faudrait travailler à harmoni ser l es o ff r es dans une perspective d’intermodalité, on a au contraire l’affrontement entre la SNCF et Air France sur les grands axes, au prix d’une dégradation en termes d’offre et de tarifs de la desserte des villes moyennes ; sur le marché des transports urbains, c’est une guerre acharnée que se livrent la RATP, la fili ale de la SNCF Kéolis et le groupe TransDev contrôlé par la Caisse des Dépôts. La constitution d’un pôle public du transport de voyageurs serait certainement un outil pour contrecarrer ces évolutions et proposer des offres complémentaires et coordonnées du point de vue de la desserte des territoires, de la cohérence tarifaire, de la correspondance entre modes et de la continuité de service. Ce besoin de coopération entre acteurs publics concerne aussi les services de proximité. La notion de « Maison de service public »est utilisée par les libéraux pour justifier les réductions d’emplois et l’abandon de missions. Mais dans les zones rurales peu denses ou dans certains quartiers urbains aujourd’hui à l’abandon, obtenir la création d’un lieu commun permettant l’accès des usagers aux différents services (moyens de communication postaux et télématiques, services fiscaux, agences de l’eau et de l’énergie) n’est-elle pas un moyen de répondre aux attentes et d’aider

à reconstituer le lien social ?

La même exigence doit prévaloir dans les rapports entre secteur public et secteur privé. Si leur coexistence est nécessairement conflictuelle, puisqu’il y a lutte pour la prédominance dans l’économie, elle suppose également une coopération, à travers leurs complémentarités et synergies, dont la raison d’être est de conduire l’ensemble vers des objectifs de progrès social.

Plusieurs terrains sont ici en jeu :

  • la passation des marchés publics,

  • les contrats de sous-traitance,

  • les services fournis par le public aux entreprises privées, notamment à travers les modalités tarifaires.

Il s’agit à la fois de résister à la volonté de mainmise des grands groupes sur la gestion des entreprises publiques (ce qui implique de refuser les prises de participation croisées), mais aussi de concevoir des formes de coopération contraignantes pour la partie privée, à travers l’introduction de critères de création d’emplois, de développement de la recherche et de la formation. C’est pourquoi les accords de partenariat à long terme sans participation avec des garanties et des pénalités doivent être pr ivilégiés. C’est par exemple le cas pour les rapports à construire entre GDFet les fournisseurs de gaz (Sonatrach, Gazprom, Statoil, TotalElf-Fina), où la conclusion de pactes stratégiques permettr aient de garantir à la fois la sécurité d’approvisionnement et la stabili té des prix sur une longue période.

C’est sur des principes similaires que l’on peut aborder la dimension internationale du développement des entreprises publiques.

Les besoins à satisfaire sont colossaux, notamment dans les pays du tiers-monde et ceux de l’est européen, dans la perspective de l’élargissement de l’Union Européenne. Face à cette exigence, le secteur public français a bien mieux à faire qu’à jouer les prédateurs. Le financement des grands projets d’équipement ou des dépenses de recherche-développement appelle le partage des ressources et des savoirfaire. L’important est de veiller à ce que les formes d’alliance choisies préservent l’identité de chaque partenaire et permettent d’éviter la mainmise des marchés financiers. Ce qui suppose qu’elles portent sur des projets bien définis visant à développer l’accès des populations aux services. Plusieurs modalités de coopération avec les opérateurs ét rangers concernés (qu’ils soient publics ou privés) peuvent être envisagées dans ce but, comme la création de filiales communes ou de groupements d’intérêts économiques.

De nouveaux pouvoirs, de nouveaux droits

Sous le contrôle des usagers

Une des principales réformes à opérer dans le fonctionnement du secteur public concerne la place qu’y occupent les usagers. Aujourd’hui exclus des processus de décision, ceux-ci doivent avoir les moyens de par t iciper effectivement aux choix concernant :

  • la stratégie de l’entreprise et la définition des priorités d’investissement,

  • la politique sociale, et notamment l’emploi et la formation,

  • l’organisation des structures du service public et leur évolution.

  • Faire vivre ces droits nouveaux passe par une réforme des institutions existantes.
  • Les structures de direction des entreprises sont ainsi appelées à évoluer dans deux directions :
  • Leur désétatisation, ce qui implique que le mode de représentation dans les conseils d’administration évolue sensibl ement, avec une place plus importante des associations d’usagers et des élus de la population.

  • Leur décentralisation, conjuguée au maintien du caractère national des entreprises et des statuts des personnels, à travers la création d’instances de décision décentralisées ayant délégation pour traiter les questions d’ordre régional ou local.

Mais cette évolution ne concerne pas que le fonctionnement des entreprises publiques ; les rapports entre cellesci et leurs autorités de tutelles sont confrontés au même besoin de changement.

Aujourd’hui, la régionalisation est conçue comme un moyen de faire éclater le statut des entreprises et des personnels qui y travaillent, de favoriser le désengagement financier de l’Etat et de préparer l’ouverture des marchés à la libre concurrence. Mais n’est-il pas juste que les communes, les départements, les régions, à travers leurs assemblées élues, interviennent davantage dans la définition des services dans leurs dimensions locales ou régionales ? Une autre conception de la régionalisation est ainsi envisageable, conciliant à la fois les exigences d’égalité (à travers le respect de normes communes en matière de niveau de ser vice et de dimensionnement des moyens) et de démocratie (par l’appli cation du principe de subsidiarité dans la définition du champ de compétence des régions).

Enfin, il faut créer de nouveaux lieux d’inter vention citoyenne sur les ser vices.

Certains existent déjà comme les « comités de ligne » mis en place dans le cadre de la régionalisation du transport ferroviaire, ou le « comité des partenaires du transport »créé par la loi SRU en Ile-de-France. Rappelons aussi que la loi de décentralisat ion a prévu la créat ion de

« commissions de modernisation des services publics » rassemblant sous l’autorité du préfet de département les acteurs concernés : élus, associations d’usagers, organisations syndicales.

Cette disposition, jusqu’ici restée lettre morte, peut être reprise et enrichie, et éventuellement généralisée au niveau de chaque commune ou groupe de communes. Ces commissions auraient vocation à être consultées sur toutes les décisions concernant les services publics sur leur zone d’intervention et à formuler des propositions de développement de nouveaux services et de synergies. Elles bénéficieraient de moyens d’expertise, d’évaluation et de contrôle, et pourraient organiser des débats et des référendums sur toute question importante, avec obligation de prise en compte du résultat de ces derniers, jouant ainsi un rôle important dans le développement des collectivités territoriales.

Des agents citoyens

Une des caractéristiques principales du secteur public en France est l’existence des statuts des personnels. Vilipendés par les libéraux comme d’exorbitants privilèges, ils constituent pourtant un socle sur lequel on peut bâtir une nouvelle conception du travail.

Cet aspect ne concerne pas que les agents du secteur public. En effet, dans une société où le nombre de ces derniers est important, la nature de leur lien au travail constitue inévitablement une référence pour l’ensemble des salariés. C’est d’ailleurs une raison essentielle de l’acharnement du grand patronat et des forces réactionnaires à obtenir l’éclatement des statuts : au-delà de la recherche d’un abaissement des coûts salariaux, l’objectif est bien d’imposer une norme sociale dévalorisée. Notamment en matière d’emploi, où il s’agit pour eux d’imposer la précarité comme la forme « normale » du contrat de travail signé avec l’employeur, dans le cadre de leur projet de «refondation sociale ».

A l’inverse de ces tendances, l’enjeu de la défense et du développement des statuts est de ne plus réduire l’homme à sa seule force de travail et de lui permettr e de gagner sa dignité de citoyen dans son activité professionnelle.

Il s’agit de définir un ensemble de droits et de devoirs fondant cette citoyenneté à l’entreprise et ses conditions d’exercice. Vus dans cette perspective, les statuts apparaissent comme tout autre chose qu’un simple contrat de travail, même amélioré, mais qui laisserait perdurer le lien de subordination entre le salarié et l’entreprise. Tout au contraire, l’objectif est de bâtir une relation de travail d’un nouveau type articulée sur les notions de liberté et de responsabili té.

Pour cela, les statuts doivent être enrichis dans trois directions :

  • Commencer à concrétiser la mise en place d’une sécurité d’emploi et de formation pour tous. C’est-à-dire un rapport des hommes au travail où l’emploi ne soit plus une variable d’ajustement des stratégies des entreprises et où la force de travail ne soit plus une marchandise. Les statuts publics actuels portent cette idée, mais seulement de façon embryonnaire. Pour répondre aux aspirations à ne pas faire toute sa vie le même travail, à changer d’environnement ou de région, les possibilités de mutation sur la base du volontariat d’une administration ou d’une entreprise à une autre pourraient ainsi être étendues, avec la reconnaissance d’un véritable droit à la formation continue.

  • Etre un outil du partage du pouvoir dans l’entreprise et de la promotion de l’inter vention des salariés dans les gestions. Ceci concerne les choix d’orientation à tous les niveaux, les décisions d’organisation (et donc les restr ucturations), les procédures de management (notamment les recrutements, les nominations, les promotions). De nouveaux droits sont à conquérir, à la fois collectifs et individ uels.

  •   Garantir une réelle liberté aux personnels en incluant en particulier des dispositions sur le droit d’expression, le droit au débat contradictoire et le droit au retrait. Ce sont là en effet aut antd’élément s indispensab les pour rendre effective l’indépendance des personnels vis-à-vis des pouvoirs polit iques ( not ion au cœur de l ’ actuel statut de la fonction publique).

Ce contenu largement élargi des garanties collectives actuelles permettrait à l’ent reprise publique de retrouver un r ôl e de vitr ine sociale dans un contexte où, en réaction aux plans de l i cenci ement massifs et en réponse à l’aspiration à maîtriser tous les aspects de sa vie, la question d’un statut du travail salarié commence à être posée dans l’ensemble de l’économie.

Cet enjeu n’est pourtant pas le seul. En effet, il existe un lien étroit entre les conditions d’emploi des personnels et la finalité assignée au secteur public. Aujourd’hui, la coupure art ificielle entre le travail et le hors-travail (on est citoyen dans la cité, mais pas à l’entreprise) est le moyen de mobiliser les hommes autour d’un objectif interne à l’entreprise (la rentabilité maximale des capitaux), qui n’a pas de rapport direct avec les besoins de la société. N’est-ce pas là l’origine de la perte de sens qu’une grande partie des agents publics ressent dans son activité professionnelle ? A l’inverse, en finir avec cette aliénation, développer la citoyenneté sur le lieu de travail est une condition pour tourner l’entreprise vers la société et ses attentes, pour que les valeurs du service public y imprègnent chaque décision, et pour qu’un dialogue effectif, y compris affrontant les inévitables contradictions, se noue entre producteurs et usagers des services.

Un levier pour changer l’économie

La nouvelle entreprise publique qu’il s’agit de construire n’a pas seulement vocation à répondre aux besoins de service public. Elle peut être un élément central d’une transformation de toute l’économie.

Depuis longtemps déjà, nous vivons dans une économie mixte, où ce sont les critères capitalistes et le privé qui prédominent et imposent leur loi. Quelle nouvelle conception opposer à cette réalité ?

Si la cohabitation entre secteur privé et secteur public est appelée à perdurer (car chacun a son rôle à jouer en fonction de ses spécificités et de ses avantages), le renversement de la domination entre formes de propriété et critères privés d’une part, publics de l’autre est une exigence au cœur de tout projet de transformation sociale. Ce processus pose bien indissociablement les questions du contenu et du champ du secteur public.

En particulier, c’est l’entreprise privée qui joue aujourd’hui le rôle pilote dans l’ensemble de l’économie, dans la mesure où ce sont ses critères, ses modes de gestion et ses pratiques de management qui servent de référence, y comp r i s dans l e public. Inverser les rôles, imposer un nouveau modèle d’entreprise, tel est l’enjeu de la rénovation en profondeur du sect eur public.

C’est porteur de cet t e concept i on renouvelée qu’on peut revendiquer pour celui-ci une pl ace ét endue et donc des réappropriations publiques et social es d’ un nouveau type ( au premi er r ang desquelles il faut sans doute placer France Télécom, Air France, Vivendi Environnement, le Crédit Lyonnais). Au-delà est posé dans un certain nombre de secteurs le besoin de création de pôles publics avec un réseau d’entreprises agissant en partenariat : la communication et l’audiovisuel, les transports de voyageurs, la gestion de l’eau et des déchets, le crédit et les institutions financières.

Cette extension du secteur public, couplée avec une réorientation en profondeur de son mode de fonctionnement, est un des axes de construction d’une nouvelle économie mixte à prédominance publique et sociale, dans une perspective de dépassement du capitalisme.

Toute avancée dans cette voie est directement fonction des reculs que le mouvement de transformation parviendra à imposer au libéralisme. Tel est tout le sens de la bataille pour mettr e en échec les projets de privatisation.

 

D’autres choix pour la SNCF

Par Junker Daniel, le 30 November 2002

D’autres choix pour la SNCF

La grande manifestation nationale unitaire des cheminots actifs et retraités du 26 nov embre dernier à Paris à l’initiative de six fédérations syndical es, a été un événement très important pour la défense et la promotion du service public SNCF.

Depuis 1996, celle-ci a abandonné la politique de marge des années quatr e-vingt/quatr e-vingt-dix, provoquant son déclin, pour une politique de volume qui a permis un développement de ses activités .

Officiellement ce cap n’est pas remis en cause

Mais la politique Raffarin place cependant l’entr eprise publique en mauvaise postur e face au défi de la construc tion eur opéenne et aux besoins de financements nouveaux.

Jus qu’ici, en effet, la décision d’ouvrir à la concurr ence le trafic de fret ferr oviaire eur opéen, en mars 2003, a été limitée au seul fret et au seul réseau transeur opéen, excluant le cabotage jus qu’en 2008.

Ceci est à mettr e au com pte de l’act ion du ministr e commun iste Jean-Claude Gayssot , de la rés istance des cheminots et de l’attac hement profond des frança is au service public.

Mais Bruxelles veut pr écipiter l’échéance . Et, d’ores et déjà, des réflexions sont engagées pour ouvrir le cabotage fret et le trafic voyageurs lui-même à la concur rence . Or, pour M. de Robien, il n’est plus quest ion d’une opp osition ferme et définitive de la France à une telle ouver tur e. Cela accentuera it la mise en concurr ence aveugle entr e les différents opérateurs , accr oissant la congestion de l’offre et le gâchis de moyens sur les zones et les axes les plus renta bles, le rat ionnement s’imposant ailleurs .

Au contra ire, ce qui devrait prévaloir pour développer des ser vices publics ferr oviaires de qualité en Europe, c’est la coo pérat ion entr e réseau x pour répondr e aux exigences communes de cont inuité et d’améliorat ion des ser vices publics offer ts avec les créat ions d’emplois et les effor ts de format ion nécessa ires. La com plémentar ité entr e les modes et les réseau x de transpor t est une néces sité. les projets techno logiques doivent êtr e de véritab les out ils au ser vice des chaînes de transpor t performantes , multimoda les et multiréseau x, en toute sécur ité. Et cela nécess ite des entr eprises publiques , dégagées des contra intes de renta bilité financ ière et visant l’efficacité sociale et économ ique.

Les coo pérat ions des différents réseau x sur l’axe Belgique, Luxembourg, France se sont révélés bien plus efficaces que les axes « nor d sud » organisés sur le mode de la concurr ence .

Ce sont de telles coo pérat ions qui devraient êtr e encou ragées en Europe en privilégiant des cré dits favora bles à l’emploi et à la format ion, soutenus par la BCE (1) et la BEI (2), au lieu de favoriser la dictatur e des marchés financ iers avec le pacte de stab ilité.

En matière de financement , précisément , la SNCF est confrontée aux orientat ions négatives de la politique Raffarin qui enten d accor der la priorité à la Bourse .

La créat ion de Réseau Ferré de France (RFF) n’a en rien réglé le problème de la dette ferr oviaire. RFF, qui en suppor te l’essent iel, cherche à y faire face en renta bilisant l’usa ge des infrastructur es dont il est propriétaire.

En 2002, les péages imposés à la SNCF ont atte int près de 2 milliards d’eur os, en augmentat ion de plus de 26% depuis 2000, tand is que sa propre dette (7,32 milliards d’eur os) s’est accrue de près de 13%.

Cela peut s’aggraver avec la décision du gouvernement de rattacher l’organisme de répar tition des capacités d’infrastructur e (ORC) à RFF qui devient juge et par ti. le risque est grand que ce soit la loi du marché qui décide des tar ifs et que les sillons soient attr ibués aux plus offrants , au détr iment de la réponse aux besoins de trans por t et de ser vice public

Cette situat ion se conjugue avec une diminution des moyens alloués par l’Etat : alors qu’il faudrait 214 millions d’eur os par an pendant 5 ans pour financer les projets ferroviaires contenus dans les contrats de plan Etat-Régions, 140 millions d’eur os seulement ont été budgétés pour 2003. Pour les transpor ts com binés, la dotat ion a été rédu ite à 35 millions d’eur os à par tager avec les chargeurs , alors que chacun reconna ît la nécess ité du rééqu ilibr age rail route . Où en est-on des orientat ions visant le doublement du trafic fret SNCF à l’horizon 2010 ?

Tout cela const itue une contra inte supp lémenta ire imposée à l’entr eprise publique au détr iment des salariés, des usagers , de l’emploi, de la format ion, des déroulements de carr ière et du développement d’un ser vice public de qualité.

Une telle politique du gouvernement a pour conséquence imméd iate la vente d’actifs, de patr imoine immobilier et de filiales (Société Hydro Electr ique du Midi...)

Dans ce conte xte, la politique de volume se fait à moyens sans cesse contra ints avec, en contr epoint, la recherche obsess ionne lle de gains de productivité apparente du tra vail sur le dos des cheminots et la diffusion d’une cultur e de gest ion anta gonique avec le ser vice public. Après un recul d'un millier d'emplois en 2002, il est fait état d'une nou velle baisse de 1 270 emplois d'ici la fin de l'année 2003 qui sera it pour l'essent iel suppor tée par le fret, les directions centra les et régionales. C'est encor e par un ajustement sur l'emploi que l'on cherche à rédu ire les déficits, tout en cont inuant à protéger les prélèvements financ iers mass ifs des banques et des marchés financ iers sur l'entr eprise au titre de la dette SNCF et indirectement par l'intermé diaire de RFF. Alors qu'après des décenn ies de choix du tout routier aux consé quences dramatiques, la recon quête du ser vice public du rail avec des créat ions d'emplois avait commencé à mar quer des points et permetta it d'envisager une politique en prise avec les nou velles exigences de transpor t, va-t-on, au nom de la renta bilité financ ière, revenir en arr ière au prix d'immenses gâchis humains, financ iers et écologiques ?

Il faudrait au contra ire que la SNCF et son groupe visent un objectif d’efficacité sociale et économ ique, avec de nou veaux critèr es de gest ion et des pouvoirs effect ifs d’inter vention des cheminots , des usagers , des élus sur son orientat ion.

Il faut , en effet, que l’entr eprise publique puisse non seulement développer un ser vice public de qualité, mais auss i app or ter à toute la société en sécur isant l’emploi et la format ion, la rec herche et une croissance rée lle dura ble.

Cela appelle une tout autr e politique de financement de la SNCF : un allégement effect if et consé quent de la dette ferr oviaire ; l’app el à de nou veaux financements bancaires sélectifs à taux très abaissés et que pourra ient impu lser ensem ble la Caisse des dépôts et les Caisses d’épargne, affirmant ainsi une vocat ion nou velle du pôle public financ ier ; une augmentat ion des dotat ions d’Etat en contr epar tie d’engagements nou veaux sur le développement de l’entr eprise publique.

  1. Banque centrale européenne.

  2. Banque européenne d’investissement.

 

 

Enjeux politiques de la lutte contre les privatisations

Par Marchand Nicolas , le 30 September 2002

Enjeux politiques de la lutte contre les privatisations

Quelle société voulons-nous ? Une société dans laquelle, avec la domination mondialisée du marché capitaliste, s’étend la marchandisation des biens, des services, des personne s et de leur force de travail ? Ou une société de partage des richesses, des savoirs et des pouvoirs pour le développement humain ? Ou bien y a t-il un « entre-deux » où pourraient se concilier la loi intangible du marché et le progrès social ?

Avec la bata ille contr e les privatisations, on est au cœur de cette quest ion politique fondamentale : y a t’il une alternat ive au marché capitaliste ? Peut-on, et comment , dépasser le marché capitaliste tel qu’il est aujour d’hui, dominé par le marché financ ier mond ialisé ? Ou bien faut-il se contenter de choisir entr e différents modes de régulation du système , quitte pour cer tains à le critiquer en termes rad icaux ?

L’idée est largement répandue qu’il y a une contra diction entr e beso ins sociaux et logique de renta bilité actionnar iale. Mais elle va souvent de pair avec l’idée de l’imposs ibilité de dépasser la domination des marchés.

Sur ce terra in, les forces du capital mènent une bata ille d’idée très active pour con vaincre que le privé peut assur er des missions de ser vice public et assumer ses res ponsa bilités sociales (leurs repr ésentants ont invest i act ivement le récent sommet de Johannes bourg sur l’environnement sur ce thème) . Elles préten dent déséta tiser, alors qu’en réalité elles veulent un Etat qu’elles visent à mettr e encor e plus au ser vice exclusif des marchés.

Elles s’app uient sur de vrais défis de changement très profonds, à par tir de la révolution informat ionne lle : défis de développement dans le conte xte d’une crise profonde et dura ble, de financements , de coo pérat ion, de trans formation des gest ions .

Et sur l’idée qu’il n’y a pas d’alternat ive.

En réalité, avec les privatisations, il s’agit pour le capital de marchandiser pour exploiter et accumu ler, en s’attaquant à tout ce qui a été con quis de non-marchand et pourra it êtr e sour ce de profits.

Cependant le bilan des privatisations tend à montr er nettement que la régress ion qui en résu lte (en matière d’emploi, de ser vice public, de droits sociaux, d’environnement) n’est pas un risque hypothétique mais un fait.

La press ion d’exigences de renta bilité exorbitantes , dans le cadre d’une sauvage guerr e économ ique, s’exerce sur tout ce qui touche aux intérêts humains et sociaux, la seule limite étant celle de l’acce ptation par les salariés, par les peuples, des choix qui leur sont ainsi imposés .

C’est la conce ption de l’entr eprise et de la société, leurs finalités , la domination des critèr es privés de renta bilité qui sont ainsi en quest ion.

Cette conce ption est en crise, avec la nou velle phase de crise du capitalisme. La « réforme du capitalisme » est à l’ordre du jour ; elle fait même la une du Monde… Mais c’est une recherche de réforme pour conser ver : il s’agit de réguler pour la pros périté des marchés.

Ces données sont mond iales. En France la droite cherche à foncer dans cette voie, tout en tenant com pte de la com plexité du rappor t de force : les privatisations occu pent une place de choix dans son programme , en cohérence avec la baisse des charges sociales patr onales notamment pour éten dre les bas-salaires.

Sans amalgame politique hâtif, le social-libéra lisme se situe dans la même logique fondamenta le du marché : sa domination sur le PS exprime une capitulation devant la dictatur e des marchés, assor tie de prétent ions régulatrices . A ce titre, le gouvernement Jos pin a réalisé un incontesta ble recor d de privatisations. Ce qui permet à la droite, pour aggraver encor e, de revendiquer sur ce terrain une cont inuité.

Les débats actue ls au PS, s’ils reflètent la secousse du 21 avril, restent , même dans l’express ion des courants les plus à gauc he, sous l’emprise de cette option. La droite, libéra le-populiste, et le PS, avec le social-libéra lisme, rivalisent sur le même terra in. Le besoin d’alternat ive est politiquement décisif.

Le com bat contr e les privatisations doit se situer au niveau de ces enjeux, s’atta quer au cœur de la logique libéra le, la critiquer sur le fond de façon argumentée , et ouvrir des pers pectives : il s’agit de contester pour les dépasser progress ivement mais rad icalement les marchés, notamment le mar ché du tra vail, pour mieux répondr e aux beso ins sociaux et de développ ement dura ble. Il s’agit de répondr e, mieux que le capital, aux défis de développement , de coo pérat ion, de financement , d’efficacité sociale.

Les objectifs sociaux sont au centr e de ce com bat. La lutte contr e les privatisations et pour une alternat ive de progrès est au carr efour de deux exigences for tes et montantes : le besoin de ser vices publics de qualité, et la nécess ité, face à l’insécur ité sociale d’une res ponsa bilisation sociale des entr eprises, notamment vis-à-vis des droits sociaux (em ploi et format ion, salaires…) et de l’environnement . Tout appelle à relier ces exigences , à favoriser la con vergence de leurs acteurs : ceux qui, avec le mou vement anti-mond ialisation, dénoncent la marchandisation, (mais négligent celle du tra vail, et le besoin d’opposer des alternat ives au marché financ ier) , ceux qui « défendent » le ser vice public, ceux qui com battent l’insécur ité sociale. Il s’agit de donner à l’ant ibéra lisme, au delà d’une rad icalité critique gauc histe et populiste très impu issante sur l’alternat ive, la dimens ion d’un mou vement nourr i par des propositions de dépassement du capitalisme, por tant ensem ble des exigences trans formatrices comme : un nou veau type de secteur public, une réforme des inst itut ions financ ières frança ises , eur opéennes et mond iales, une sécur ité d’emploi ou de formation.

Ce serait aussi la base profonde pour construire dans les luttes le nécessaire dépassement de la coupure social/ politique

Cela définit l’es pace d’une inter vention très novatrice et rassemb leuse du Par ti commun iste.

Pour les commun istes , l’enjeu de la quest ion des privatisat ions est d’autant plus for t, qu’il recou vre un champ identitaire : celui de la propriété et du pouvoir sur les gestions . Le PCF s’est identifié aux luttes pour les nationalisations, celles de la Libérat ion, celles de quatr e-vingt-un. Mais il a beaucou p tar dé à prendre en com pte les défis nou veaux, et, bouscu lé par l’effon drement soviétique, a eu du mal à formu ler une conce ption solide et neuve de l’appr opriation sociale. Cela a favorisé, malgré une opp osition réaffirmée aux privatisations des années 1997-2002, des hésitations, des contra dictions , des positions de soutien à l’ouver tur e du capital de grandes entr eprises publiques.

Engagé dans la réflexion autocr itique que cela appelle, il n’enten d pas pour autant rester hors-jeu, dans la nouvelle phase de com bat politique qui est ouver te. La coupure actue lle mou vement social/po litique est un handicap pour toutes les forces qui luttent contr e les privatisations . Si elle a pour fondement des insuffisances politiques, elle ne se résorbera pas par l’immob ilisme, ni par l’exclusion définitive du politique. Il faut en débattr e. Il faut auss i que des choses bougent à gauc he. Le PCF pour sa par t, notamment avec la Coor dination Antiprivatisations Pour une Alternat ive de Progrès, prend ses responsa bilités .

Il s’agit, à par tir d’une critique rad icale des options libérales et sociales-libérales, de formu ler et mettr e en débat dans les luttes des conce ptions alternat ives.

Se limiter à critiquer, éventue llement très fermement , les privatisations, sans mener la bata ille, avec des propositions , pour faire gagner l’idée qu’une autr e voie est possible, reviendrait à nourr ir le défaitisme, la résignation, avec le risque de récupérat ion par le social-libéra lisme.

Se contenter de « défendre le ser vice public », les acquis sociaux, sans éta blir clairement le besoin indissociable d’entr eprises publiques laissera it le champ à l’illusion que le ser vice public pourra it êtr e com patible avec des privatisations tota les ou par tielles.

En réalité, le secteur public n’est ni trop public, ni trop social ; il ne l’est pas assez

Il est à la fois trop état iste et trop dominé par les règles imposées par les marchés financ iers et acce ptées par l’Etat . Il n’est pas trop éten du, mais pas asse z, en regard des besoins de ser vice public et de res ponsa bilisation sociale des entr eprises pour un développement de tous les êtr es humains, sans élitisme ni exclusion. Il a en ce domaine un rôle moteur à jouer, pour toute la société, et notamment un rôle d’entra înement au tra vers de ses coo pérat ions avec le privé, pour faire progresser, au rythme des luttes , une mixité anticapitaliste à prédominance publique et sociale.

Et il faut prendre réso lument en com pte les défis de changement , notamment en France où le secteur public a une histoire, et des acquis par ticuliers ; ils concernent les con ditions du développement , les exigences nou velles de coo pérat ion, les besoins de financement . Au-delà, ils concernent le dépassement de l’état isme qui a auss i marqué les expériences de type soviétique. C’est pour quoi ce n’est pas pour une simple défense du secteur public et des ser vices publics qu’il s’agit de lutter, mais pour un nou veau type de secteur public, une nou velle conce ption des nationalisations.

Des changements très profonds sont nécessa ires au sein du secteur public actue l, pour une recon quête , pour lui ouvrir un nou veau champ, pour de nou velles missions du ser vice public. Cela concerne notamment :

  • une réor ientat ion des gest ions , avec de nou veaux critèr es,

  • de nou velles coo pérat ions , en France , en Europe, au niveau mond ial, pour un co-développement et non une guerr e économ ique,

  • des financements dégagés du mar ché financ ier, notamment à par tir d’une réforme des inst itut ions financières, un nou veau cré dit,

  • la con quête par les salariés, les usagers , les élus de droits d’informat ion et de pouvoirs sur les gest ions .

Cela concerne auss i le chantier de l’Europe, dans le conte xte de son élargissement , la lutte à mener pour de nou veaux tra ités , de nou velles orientat ions face aux directives de libéra lisat ion dont on ne peut se contenter de revendiquer l’application a minima, pour une reforme de la BCE.

Le capital divise et opp ose les peuples et les salariés entr e eux tout en préten dant répondr e à leurs besoins avec des politiques libéra les-populistes ou sociales-libérales.

En mettant en débat des pers pectives trans formatr ices , en les faisant vivre dans les luttes , une action politique rassemb leuse des commun istes peut êtr e un puissant levier de leur unité pour rés ister, mar quer des points , gagner, pour une nou velle construct ion à gauc he, émanc ipée du social-libéra lisme.

 

 

Quelques pistes pour un avenir de France Télécom libéré de la domination du marché financier

Par Coordination Antiprivatisations Pour une Alternative de Progrès (CAPAP), le 30 September 2002

Quelques pistes pour un avenir de France Télécom libéré de la domination du marché financier

France Télécom fut longtemps une vitrine que le monde entier nous enviait et dont le monde entier attendait qu’avec d’autres elle mobilis e ses formidabl es capacités pour un essor, un mieux-être, un co-développement de toute la planète. Mais qu’ont-ils fait de ce joyau ?

Etat des lieux

France Télécom aujour d’hui étou ffe sous une dette de 69,7 milliards d’eur os (457,2 milliards de francs ), qui a cru de 427% de 1999 à 2002. C’est deux fois le chiffre d’affaires annue l du groupe et l’équivalent de plus du tiers du budget de l’Etat !

L’an dernier France Télécom a payé 5 milliards d’eur o (33,8 milliards de francs ) en rem boursements aux banques et en versements aux marchés financ iers . Une saignée pour la finance qui représente autant que les cot isat ions sociales du groupe !

Bref, France Télécom aux atouts si cons idéra bles se retr ouve sur le papier “ pauvre comme Job ”, seule la présence de l’Etat empêchant un prédateur de la dépecer.

Comment en est-on arrivé là ?

Les faits :

Juin 1996 : le ministre de droite F. Fillon trans forme l’exploitant public

France Télécom en entr eprise nationale sous statut de société anon yme détenue à majorité par l’Etat .

Septembre 1997-2000 : les ministr es socialistes Strauss -Kahn, Pierr et, puis Fabius, loin de mettr e en cause les choix de leur prédécesseur de droite, ouvrent au privé le capital de l’entr eprise publique et le fait entr er en Bourse . La raison invoquée alors est de « permettre à l’entreprise de disposer à brève échéance d’une valeur de marché lui permettant de se comparer à ses partenaires et ses concurrents » (sic).

1998-2001 : France Télécom rachète NTL (8 milliards d’eur os 52,5 milliards de francs ), Equant (2,9 milliards d’eur os –19 milliards de francs ), TPSA (3,4 milliards d’euros 22,3 milliards de francs ) MOBIL COM (3,7 milliards d’eur os – 24,3 milliards de francs ). Tout cela à cré dit et au prix du marché, les cours en bourse étant alors au sommet. Résultats : le seul paiement des « sur valeurs » absorbent 35 milliards d’eur os (229,6 milliards de francs ) dont 28 milliards d’eur os (183,7 milliards de francs ) pour Orange.

Dans le même temps , l’achat d’une licence UMTS en Allemagne coûte la bagatelle de 8 milliards d’eur os (52,5 milliards de francs ) auxquels s’ajouter ont des achats en Grande -Bretagne (7 milliards d’eur os), en Belgique, en Suisse, en France et aux Pays-Bas.

Au terme de cette folle croissance financ ière la « valeur de marché » de l’act ion France Télécom se retr ouve divisée par vingt.

Pourquoi ?

Tout cela est le résu ltat de choix politiques et de gestion au ser vice, avant tout , des marchés.

En effet, l’entr eprise d’Etat France Télécom avait à affronter des défis nou veaux appelant de profondes mutations : par tenar iats eur opéens et internat ionau x pour partager les coûts et les résu ltats des recherches, appel à de nou veaux financements , trans format ion des gest ions , implication des salariés et des usagers .

Le gouvernement Jos pin, dominé par un PS rallié à « l’économie de marché » capitaliste, a refusé de chercher à tra iter ces défis autr ement que selon les règles et critèr es de la gest ion capitaliste.

L’ou ver tur e du capital et la mise en Bourse de France Télécom en octo bre 1997 ont été le signal du dépar t dans cette course acharnée à la taille par rachats d’entr eprises à l’étran ger. Cette ruée , commune à toutes les entr eprises du secteur dans le monde , renvoie à des exigences nouvelles de la révolution informat ionne lle.

En effet, l’explosion des coûts de recherche-développement et de qualification des salariés, oblige ces entr eprises à des dépenses si impor tantes qu’il leur est devenu nécessa ire de les par tager.

Et comme c’est la renta bilité capitaliste qui guide leurs gest ions , alors c’est en capitalistes qu’elles enten dent les par tager : au lieu de chercher à constru ire un contrô le social de ces dépenses informat ionne lles fondé sur la coo pérat ion, elles ont racheté à tour de bras des entr eprises hors de leur marché domest ique. Il s’agissait ainsi pour elles de se const ituer des réseau x mond iaux de contrô le par l’argent pour étaler les coûts , dominer les marchés et casser les reins aux concurr ents .

D’où la croissance exponent ielle des dépenses de contrô le par fusions et acquisitions qui ont fait s’envoler les cours en bourse avec la spécu lation, cana lisant le crédit vers le marché de l’argent , au lieu de le mob iliser à souten ir l’emploi, la format ion, la promot ion des ser vices publics en coo pérat ion, et de faire reculer la « fracture numérique » en France , en Europe, dans le monde .

C’est à cette folie que l’ouver tur e du capital au privé de France Télécom à fait par ticiper l’opérateur public… jusqu’à ce que toute cette suraccumu lation financ ière et réelle viennent finalement buter et s’effondrer sur des débouc hés insuffisants et des problèmes criants de productivité parce que, pendant ce temps , on a refusé de développer toutes les populations du monde , en coo pérant et par tageant dans ce but.

Conséquences

Les salariés trompés et surexploités :

Trente deux mille suppr ess ions d’emplois de 1996 à 2002. Le recours au personne l intér imaire est devenu mass if. Le statut de fonct ionna ire pour lequel 90% du personne l de France Télécom S.A. s’est mob ilisé, afin de le garder, a permis de conten ir un peu cette liquéfaction de l’entr eprise publique soum ise aux contra intes de renta bilité financ ière.

Les con ditions de tra vail se sont cons idéra blement dégradées cependant avec le recours à du personne l inter dit de statut . La press ion sur les salaires et sur les déroulements de carr ière à été d’autant plus for te que l’illusion d’un com plément de revenu par l’act ionnar iat salarié a été largement entr etenue . Aujour d’hui les personne ls précaires ou précar isés craignent pour leur em ploi, les act ionna ires salariés sont spo liés et les salaires sont sous camisole de force.

Les usagers du service public sélectionné s et rationné s

L’usag er est devenu un « client »

Résultat : l’abonnement téléph onique est passé de 11,8 francs en 1996 (1,79 eur o) à 12,55 eur os en 2002 ! Les commun icat ions locales ont été taxées à la durée . Le rense ignement téléph onique est facturé désor mais à 0,8 eur o (5,25 francs ) alors qu’en 1996 on pouvait bénéficier de trois rense ignements lors d’une même conne xion. Le relèvement des déran gements est devenu payant et à durée différée .

France Télécom n’assure plus qu’un « minimum de service public »

L’autor ité de régulation (ART) est chargée d’organiser la concurr ence dans le secteur, contr e l’opérateur histor ique, rédu isant et freinant le développement du service public. Celui-ci reste étr oitement cantonné au seul fixe. Ni le mob ile GSM, ni l’UMTS, ni l’Internet bas, haut et très haut débit, ni le multimédia ne font par tie des missions de ser vice public. Le prestata ire

de ser vice France Télécom ne cherche à développer, quant à lui, que des ser vices à valeur ajoutée visant pour l’essent iel des clientè les solvables, voire aisées .

Congestions et désertifications du territoire

La dépéré quation tar ifaire et géograph ique a progressé . Les collectivités locales ont été amenées de plus en plus à êtr e bailleurs de fonds pour supp léer les opérateurs et l’Etat , devenant , malgré elles, les vecteurs de la mise en concurr ence des réseau x et de l’affaiblissement de l’opérateur histor ique. L’imposs ibilité d’utiliser le mob ile ou d’accé der au réseau haut débit sur le terr itoire cohabite désorma is avec la multiplication des réseau x des différents opérateurs sur les passa ges les plus renta bles con duisant à des doublons, des surcapacités, de formidables gâchis.

La faute à qui ?

Bien sur, l’Etat est le premier responsabl e. L’ou ver tur e du capital de France Télécom au privé lui a rappor té 12,375 milliards d’eur os (81,2 milliards de francs ) et, entr e 1998 et 2000, plus de 2 milliards d’eur os (13 milliards de francs ) en dividendes. Cet argent a ser vi à bouc her les trous de politiques publiques fondamenta lement au service du marché avec le freinage des dépenses de ser vice public, les baisses d’impôts pour les plus riches et pour les entr eprises, le res pect des critèr es de Maastr icht et l’abandon du cré dit au marché financ ier.

L. Jospin porte une responsabilité comme Premier ministre et comme chef d’une majorité de « gauche plurielle » soum ise à la dérive sociale-libérale du PS. Il a luimême proclamé acce pter l’économ ie de marché, mais répr ouver la société de marché. Le cas de France Télécom prouve que si on se rallie à la première on devient un architecte de la seconde . Mais, le Par ti commun iste français lui-même n’a pas su ou pas pu surmonter les contra dictions entr e ses analyses propres, l’exigence d’initiatives autonomes et rassemb leuses et la solidarité gouvernementa le.

L’Union européenne et la commissi on de Brux elles portent aussi une lourde responsabilité. Elles ont organisé – avec l’accor d forme l des gouvernements – la fuite en avant dans une déréglementat ion dont elles refusent de faire l’évaluation du point de vue de l’efficacité sociale. Cela a engendré une mise en concurr ence ravageuse , qui a confiné à la caricatur e avec les surenc hères ruineuses de l’UMTS. Tout cela a gravement affaibli l’Europe des Télécommun icat ions face aux visées hégémon iques des Etats -Unis.

La gestion du PDG Michel Bon ne saurait, bien sûr, être exonérée. Elle a été tout entière soum ise aux canons de la renta bilité financ ière poussant France Télécom à passer d’une logique de réseau et industr ielle à une logique de gest ion de por tefeuille de clientè les. M. Bon, lui-même , aimait à répéter qu’il était devenu un « épicier ».

C’est comme cela, par exemple, que l’opérateur français est auss i devenu un prédateur à l’internat ional. Ainsi, il s’est appr oprié la moitié du marché domest ique argentin de téléph onie et y pratique des marges de 15% contr e 5% sur le marché intér ieur eur opéen. On retr ouve une configurat ion analogue en Pologne, au Sénégal etc .

Cette gest ion prédatrice et dépour vue de toute créat ivité sur le terra in de l’efficacité sociale a pu d’autant plus êtr e déployée que les salariés de France Télécom ont été fragilisés du point de vue de la sécur ité de l’emploi et privé de tout droit effect if d’inter vention, de contrô le et de contr e-proposition en matière de gest ion de leur entr eprise.

Des pistes pour des propositions alternatives

L’intervention publique est indispensable pour un plan de sauvetage permettant le redressement financ ier de France Télécom : réduct ion de la dette , financement du développement garant issant l’emploi, les effor ts de formation et la recherche-développement .

Les modalités de cette intervention publique doivent tendre vers un projet global de service public pour France Télécom et le secteur des télécoms dans son ensem ble. A l’opp osé des solutions du gouvernement Raffarin qui ne visent qu’au redressement du rat io dette

/fonds propres grâce à un emprunt lancé par la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC). Mais celle-ci, après une augmentat ion de capital, céderait sur le marché financ ier les titres ainsi acquis dès le redressement des cours en bourse .

Voilà pour quoi nous voulons distinguer le long terme du cour t terme en matière de propositions, en montrant les cohérences entr e les deux.

Un projet pour France Télécom et pour le secteur des télécoms

Au-delà des mesur es imméd iates concernant FT, c’est toute la filière des télécoms qui a besoin de profonds changements . Ils doivent toucher tout à la fois l’orienta tion des gest ions , aux financements de la filière, et aux pouvoirs ouver ts aux usagers comme aux salariés.

Les activités de télécoms et l’infrastructure devraient être sous maîtrise publique et sociale. Cela veut dire à la fois une extens ion du champ des entr eprises publiques, mais auss i une inter vention du secteur public dans toute la filière, en France et à l’étran ger, y com pris en direction du secteur privé pour y inciter à une toute autr e efficacité économ ique et sociale.

Les infrastructur es de réseau devraient êtr e propriété publique, avec des monta ges aména gés entr e les différents inter venants du secteur public au sens large. Cela permettra it auss i de suppr imer les doublons de réseau , aberrat ion actue lle des zones les plus urbaines, tand is que cer taines régions ne sont pas ou très mal desser vies. L’entrepris e France Télécom et son capital devraient être sous contrôle public. Pour cela la par t du public doit

remonter .

Tous les intervenants, privés ou publics tels que l’État, la CDC, etc. devraient s’engager au res pect de critèr es de gest ion en faveur du développement de l’emploi non précar isé, de la valeur ajoutée réelle, et du service rendu, à l’opp osé de la renta bilité financ ière, le bénéfice venant de surcroît.

L’Autorité de Régulation des Télécoms (ART) devrait être radical ement refondue avec une représentat ion très renforcée des usagers , des collectivités , du parlement et des salariés de la filière. Ses missions doivent changer.

Elle devrait veiller au développement du service public (missions, péré quations, tar ificat ions sociales, intérêts des différentes caté gories d’usagers etc .) et non pas, comme aujour d’hui, organiser la montée en force des concurr ents privés ou étran gers au détr iment de l’opérateur histor ique.

Elle devrait pouvoir mob iliser des moyens financ iers , permettant de financer des prêts à bas taux pour toute la filière des télécoms , depuis la recherche et la fabrication de logiciels et les équipement iers , jus qu’à la format ion des personne ls et des usagers (Internet) , en passant par les opérateurs , à con dition que ces prêts développent l’emploi, la format ion et la valeur ajoutée réelle, en France ou en coo pérat ion eur opéenne ou avec des pays émergents ou en développement .

Elle devrait inciter au développement de techno logies économes en capital et de logiciels gratu its ouver ts et par tageables.

Elle devrait pouvoir suivre le res pect de ces orientations par les entr eprises du secteur et, dans cer tains cas , êtr e habilitée à manier des sanct ions financ ières, à l’instar de la comm ission national de contrô le de l’utilisat ion des fonds publics versés aux entr eprises (loi Hue).

L’Union européenne doit prendre ses responsabilités, et la France doit tout faire pour trouver des majorités en Europe en ce sens .

La réglementation européenne devrait êtr e revue. Les directives sur les ser vices d’intérêt généra l (SIG), donc sur les télécoms , doivent êtr e renégociées. En 2004, lors du Sommet des Chefs d’Etat, le Traité devrait êtr e mod ifié de façon à reconna ître un secteur économ ique dont la

« régulation » ne soit pas l’ensem ble « marché-concur rence ».

La Banque Européenne d’Inv estiss ement (BEI) devrait disposer d’un fonds spéc ifique pour la sécur ité d’emploi, la format ion et la recherche dans la filière des télécoms en Europe et en coo pérat ion dans le monde .

La Banque centrale européenne (BCE) devrait sor tir de sa politique monéta ire aveugle, de baisse ou de hausse uniforme des taux d’intérêt qui cons iste actue llement à refinancer de la même façon les placements financ iers , les fusions-acquisitions ruineuses et non créatr ices de capacités que les projets créateurs d’emploi, de valeur ajoutée et inno vants . Elle devrait refinancer sélectivement à bas taux d’intérêt les invest issements selon leur efficacité pour l’emploi, la format ion et le social.

La France devrait saisir la Commissi on européenne afin qu’elle décrète « l’état de crise manifeste » du secteur des télécommun icat ions au sein de l’UE. Il s’agit de mettr e fin à la guerr e économ ique, d’organiser les coo pérat ions et par tenar iats nécessa ires pour sécur iser l’emploi, la formation, la recherche et les invest issements efficaces avec l’app ui des inst itut ions monéta ires eur opéennes et nationales sous le contrô le, notamment des parlements et des inst itut ions représentat ives des salariés, des usagers , des chômeurs et des employeurs . Un Forum eur opéen préparé aux plans nationau x et régionau x devrait permettr e la rencontr e et la concer tat ion de tous ces acteurs .

L’Union européenne (UE) devrait inciter les pays à appliquer aux invest isseurs étran gers dans l’UE et aux invest issements effectués hors de l’UE les mêmes con ditions d’emploi et de valeur ajoutée qu’aux nationau x, au lieu de la concurr ence actue lle ruineuse sur le dos des tra vailleurs et des peuples.

Sur cette base, pourra it s’engager non seulement une certaine sor tie de crise « par le haut » pour les télécoms , mais auss i un début de contr e offensive de progrès social à la domination des Etats-Unis, pour une maîtrise de la révolution informat ionne lle à partir des pays européens en direction de tous les pays, en premier lieu du Sud et de l’Est.

Des propositions immédiates pour sortir France Télécom des difficultés

Mettre en échec les risques de démantèlement du groupe France Télécom.

Comme tous les grands groupes, FT à opéré un vaste mou vement de filialisat ions . Des cess ions sont d’ores et déjà envisagées pour regagner en liquidité et rédu ire la dette , avec le risque de briser des synergies internes .

Un audit, pluraliste et public, devrait examiner les participations de FT de manière à distinguer celles qui sont indispensab les à la cohérence du ser vice public et à l’entra înement d’une nou velle croissance sur le terr itoire ou pour la coo pérat ion internat ionale, de celles dont la seule just ificat ion est la domination et l’élimination de concur rents (par ts de marchés ou techno logies), voir la valorisation patr imoniale, et qui peuvent êtr e cédées.

Préserver les conditions du développement du ser- vice public sur le territoire national.

S’assur er d’une maîtrise publique (Régions et Collectivités peuvent jouer un rôle aux côtés de l’Etat) sur l’ensem ble réseau xinfrastructur es de FT, avec une gestion (ent retien-développ ement) délégué à l’opérateur public lui-même , avec financement spéc ifique (forme juridique à trouver : éta blissement public ou simple sépara tion com ptable, le réseau et les infrastructur es devant êtr e hors de por tée d’un contrô le étran ger ou privé).

Réduire la charge de la dette.

Alors que la solution Raffarin revient au principe de la socialisation des per tes et de la privatisation des bénéfices , nous proposons de solliciter ceux qui ont bénéficié des multiples fusions-acquisitions de FT depuis six ans .

Cer tains d’entr e eux, souvent étran gers sont inacces sibles : les principales prises de contrô le opérées au plus for t de la « bulle spécu lative » ont bénéficié d’une suré valuation est imée à 35 milliards d’eur os (la moitié de la dette accumu lée).

Mais les banques qui ont financé ces opérat ions ont tiré des intérêts substant iels et des grosses comm issions . Elles por tent une par t de res ponsa bilité essent ielle. Parmi elles, cer taines ont vocat ion à par ticiper à la const itut ion d’un Pôle Public financ ier, tel que le propose le PCF.

Les banques dans leur ensemble devraient acc epter un rééchelonne ment de la dette et la révision à la baiss e des taux d’intérêt, voir envisager de renoncer à une partie de leurs créances , parce qu’il s’agit d’une grande entr eprise publique, straté gique dans son domaine pour l’avenir de la France et de l’Europe, et dont les missions de ser vice public sont absolument vitales. Mais ce sera it auss i l’intérêt des banques que d’éviter la ruine de ce gros débiteur qui est auss i leur principal prestata ire de services de télécommun icat ions en France . La conso lidation de France Télécom doit donc êtr e auss i leur affaire et pas seulement celle de l’Etat et des contr ibuables.

Les organismes financiers publics, notamment ceux ayant créance sur l’entr eprise, doivent examiner leur aide au redressement financ ier de FT, par exemple en envisageant d’inter venir en quasi-fonds propres, comme forme de par ticipation à la maîtrise publique (formes de titres par ticipatifs existants ou à inventer, non négociables sur le marché bours ier) .

La Poste doit envisager une intervention de même natur e pour la par tie réseau et infrastructur es auprès de la CDC (voir proposition suivante)

Lancer un emprunt garanti par l’Etat et consolider les fonds propres sous conditions.

Il sera it dest iné, pour une par t à faire face aux problèmes de liquidité, mais sur tout à donner les moyens du développement (réseau , infrastructur es, emplois, formation, recherchedéveloppement) . Ceci pourra it marcher de pair avec une augmentat ion du capital de France Télécom souscr ite par l’Etat et d’autr es acteurs publics éventue ls en contr epar tie d’une réor ientat ion de la gestion de l’opérateur ouver te à l’inter vention des salariés et des usagers .

Dans ce sens , plutôt que la cess ion ultér ieur e sur le marché bours ier, la CDC pourra it s’engager pour une par t en capital pour le réseau et les infrastructur es, et pour une autr e en prêts à très bas taux en contr e par tie d’engagements de FT en matière d’emplois, de format ion et de recherche, d’aména gement du terr itoire. L’em prunt pouvant êtr e remboursé pour par tie par la rentrée des dividendes perçus par l’Etat , actionna ire dont les par ts se trouveraient augmentées (pour rappe l, hors charges de la dette , le résu ltat d’exploitation de FT progresse de 17,3%).

Préserver les intérêts des salariés actionnaires et des petits porteurs.

Ceux ci viennent de vivre une expérience dont ils doivent tirer les ense ignements , mais on ne peut les laisser principales victimes de straté gies sur les quelles ils n’avaient aucun pouvoir.

Mettre en plac e dès maintenant des droits nouveaux de contrôle et d’intervention pour les agents, les usagers et les élus :

Notamment par un recours renforcé et circonstanc ié au contrô le de l’utilisat ion des fonds publics, tel que la loi Hue le rend poss ible, mais auss i, et sur tout par l’inter vention dans la gest ion de France Télécom , avec des critèr es d’efficacité sociale opp osés à ceux de la renta bilité financ ière. Il s’agit de faire clairement assumer par l’entreprise publique une res ponsa bilité sociale, régionale, nationale et eur opéenne pour l’emploi, la format ion, la recherche, un nou veau type de croissance réelle.

Système de santé : c’est une véritable dérive néo-libérale qui se dessine

Par Domin jean-Paul , le 30 September 2002

Système de santé : c’est une véritable dérive néo-libérale qui se dessine

Les récents propos de Jacques Barrot, suivis d’une mise au point du ministre de la Santé Jean-François Mattéi, ne sont qu’un « ballon d’essai », ils préparent l’opinion à une privatisation plus ou moins partielle du système de protection sociale. Ils viennent s’ajouter à des propositions de réformes de certains parlementaires, ainsi qu’à des réflexions de praticiens hospitaliers dont Le Monde du 14 septembre 2002 s’est fait l’écho. L’argum entation s’articul e autour de quelques principes : la responsabilisa tion des assurés sociaux, la tarification à la pathologie dans les hôpitaux et la nécessaire réforme du manag ement hospitalier. Mais ne nous trompons pas, derrière les idées reçues et les arguties, c’est une véritable dérive libérale qui se dessin e.

La « res ponsa bilisat ion » des assurés sociaux const itue le premier volet de l’argumentat ion. Les exemples choisis pour éta yer le propos n’étonnent plus : la multiplication des doppler, des échographies et autr es examens coûteu x par des assurés déresponsa bilisés et souvent incités par des praticiens auss i irres ponsa bles, sera ient autant d’éléments qui permet tent d’expliquer la croissance des dépenses . En revanc he, lire sous la plume du Président du Comité consu ltat if national d’éthique, que l’augmentat ion des examens liés à des rappor ts sexuels sans préser vatif sera it significative d’une nou velle menta lité d’insouciance (1), surpr end quelque peu. Illustr er l’accr oissement des dépenses de santé par de tels exemples n’est pas acce ptable, sur tout quan d une par tie de la population renonce à des soins, notamment denta ires, pour de seules raisons financ ières. Mais il est vrai que monter les assu rés sociaux les uns contr e les autr es peut s’avérer un bon moyen pour faire passer des réformes sans contestat ions .

La « res ponsa bilisat ion » des assurés sociaux repose sur des mécan ismes d’incitations financ ières. Le projet proposé par Jacques Barr ot s’ar ticule autour d’un panier de soins de l’assurance maladie obligatoire pour les maladies les plus graves et un panier de soins com plémenta ire organisé par des com pagnies d’assurances privées et financé par les malades eux-mêmes . Une réforme similaire a été menée aux Pays-Bas. Depuis 1988, l’assurance maladie est scindée en deux par ties. Un panier de base, garant i par un financement collectif, cou vre les soins prioritaires, il est com plété par un panier com plémenta ire proposé par des assurances privées pour les soins non prioritaires. De telles méthodes pénalisent essent iellement les ména ges aux revenus modestes et favorise des pratiques d’écrémage pour les patients défavorisés ou atte ints de pathologies lour des. Jacques Barr ot oublie seulement de préciser que de telles réformes ne garant issent pas l’égalité des citoyens devant les soins. D’autr e par t, leur efficacité financ ière n’est pas probante . Le taux de croissance annue l moyen des dépenses de santé aux Pays-Bas est passé de 2,3 % entr e 1980 et 1990 à 2,9 % entr e 1990 et 1999. La concurr ence sera it donc cons idérée comme le seul para digme efficace . Mais, là où on a voulu l’instaur er, les indicateurs sanitaires ne se montr ent pas satisfaisants .

La tar ificat ion à la pathologie dans les éta blissements de soins const itue un des axes prioritaires prévu par la loi de financement de la Sécur ité sociale. Une telle mesur e remettra it en cause les fondements de notr e système de soins dans la mesur e où elle favorisera it l’éviction des malades atte ints de pathologies lour des. Dans les faits, c’est une sélection de malades déguisée qui se prépare. Une telle logique est sacr ificielle : elle privilégie les plus jeunes par rappor t aux plus vieux, les plus for ts par rappor t aux plus faibles et con duit à négliger les personnes qui sont en dehors du circuit product if. De telles méthodes donnent un avanta ge aux soins à bon marché et opèrent une discrimination envers les patients qui néces sitent des soins coûteu x.

... Un panier de soins complémentaire organisé par des compagnies d’assurances privées....

En 1987, aux États -Unis, l’Orégon, alors en situat ion de difficultés financ ières, s’est lancé dans une réforme profonde de Medicaid, le système financé par l’impôt , metta it à la dispos ition de toute la population des soins tota lement gratuits. Les éta blissements hos pitaliers ont le monopo le des consu ltat ions spéc ialisées et des examens com plémenta ires et sont financés par des mécanismes d’envelopp e globale. Depuis 1991, le financement public est directement versé aux agences régionales qui sont chargées de les répar tir aux établissements après une mise en concurr ence . Les hôpitaux sont désorma is indépendants et fonctionnent comme des opérateurs privés (NHS Trusts) : ils vendent des ser vices de soins aux agences ou aux cabinets de groupes (ca binets de généra listes de plus de 10 000 patients) qui ac hètent des soins pour le com pte de leurs patients .

Mais dans les faits, la réforme britann ique restr eint les capacités financ ières des éta blissements qui doivent désorma is limiter leurs invest issements . Les hôpitau x sont mis en concurr ence et restent sous la d’aide médicale pour les personnes à bas revenus . Les autor ités ont mis en œuvre un programme de rat ionnement des aides excluant du remboursement des soins les greffes d’organes et les maladies rar es. Quelques mois plus tar d, un enfant mourra it d’une leucém ie lympho ïde aiguë faute d’une greffe trop coûteuse pour sa famille. On voit bien où pourra it nous con duire la tar ificat ion à la pathologie.

La réforme des hôpitaux const itue le dernier point de l’argumenta ire. Il est étonnant de lire, sous la plume d’un praticien hos pitalier, qu’il « n’y a pas d’autres solution que d’abolir le statut public de l’hôpital pour lui permettre l’adaptation au monde moderne de management qui lui fait tant défaut » (2). Les solutions proposées sont rad icales : concentrat ion de moyens matér iels et humains en vue d’optimiser les pratiques. Cela signifie plus clairement que l’on va concentr er les équipements pour en renta biliser le fonct ionnement . Il y a quelques années , une jeune femme est décé dée dans une ambulance en allant accou cher. La matern ité qui était à côté de son domicile venait de fermer, faute d’activité. Renoncer au statut public de l’hôpital, c’est remettr e en cause la format ion des jeunes praticiens et abandonner cer taines recherches au secteur privé. Quant à la santé publique, n’en parlons pas, la privatisation revient à la nier. Entr e le statut public et la logique concurr entielle, il faudra que les médec ins choisissent . Mais la seconde solution ne sera vraiment pas la meilleur e, ni pour eux, ni pour les assurés sociaux.

Un tel point de vue met en évidence la volonté de certains praticiens hos pitaliers de voir notr e système de soins évoluer comme en Grande -Bretagne. Pour tant la réforme ultra-libéra le, initiée par Margaret Thatc her en 1991, devrait ser vir de leçon . Avant cette date, le système , press ion constante des acheteurs de soins. La diminution des coûts qui en résu lte se fait au détr iment de la qualité du ser vice et favorise l’éviction des malades atte ints de pathologies lour des et donc coûteuses . Les files d’attente , symbo le de l’ancien système public, n’ont toujours pas disparu . Enfin, le principe de soins gratu its est progress ivement remis en cause . Aujour d’hui, peu de personnes peuvent bénéficier de la gratu ité tota le. A plus ou moins long terme , la réforme risque de se tradu ire par le développement d’une médec ine à deux vitesses , puisque dans les faits, les inégalités dans l’accès aux soins augmentent .

À l’heur e où le MEDEF propose une « nou velle architectur e » de la Sécur ité sociale en s’ins pirant de la réforme hollan daise et mène une cam pagne ultra-libéra le de remise en cause de notr e système de protect ion sociale, qui trouve un écho favora ble dans cer tains milieux politiques, ces vaines polémiques font le jeu du patr onat . Le système qui semb le s’organiser est calqué à la fois sur le modè le anglais pour l’organisation des éta blissements hos pitaliers et sur le modè le amér icain pour la médec ine de ville. Dans tous les cas , cette privatisation qui ne dit pas son nom est redouta ble pour les assurés sociaux car elle con duirait à remettr e en cause le principe de l’égalité des citoyens devant les soins. Elle organisera it l’explosion de notr e système de santé et sera it sour ce d’une aggravation de sa crise d’efficacité et donc de détér iorat ions dramatiques des indicateurs des résu ltats de santé .

  1. François Dreyfus, Didier Sicard, « Médecine française : la grande illusion », Le Monde, 14 septembre 2002, p. 1 et 18.

  2. Guy Vallancien, « Hôpital public : brisons le grand tabou », Le Monde, 14 septembre 2002, p. 18.

Jean-Paul Domin, maître de conférences en sciences économiques. CERAS-LAME, Université de Reims Champagne-Ardenne

 

 

 

 

Haro sur la politique publique de santé

Par Caudron José , le 30 September 2002

Haro sur la politique publique de santé

Face aux volontés d’introduire la privatisation dans le système de santé, il est urgent d’organiser les résistances et de proposer des alternatives

Le déficit de l’assurance -maladie devrait atte indre 6 milliards d’eur os en 2002, en liaison avec la détériorat ion de la croissance et de l’emploi minant le financement et, selon les prévisions, il pourra it

s’élever à 10 milliards d’eur os en 2003. Cependant, c’est l’idée que nos dépenses de santé sera ient trop élevées qui est mar telée et se trouve au cœur des débats au moment de la discuss ion de la Loi de financement de la Sécur ité sociale pour 2003. C’est dans ce conte xte que Jacques Barr ot, pr ésident du grou pe UMP à l’Assemb lée et ministre des Affaires sociales du gouvernement Balladur en 1994, a clairement exprimé l’intent ion de limiter les Ndépenses publiques, « afin de cesser l’hypocrisie », en dichotom isant les « maladies graves », celles que l’assurance sociale cont inuera it de pren dre en charge, des « petits risques » pour les quels le recours au privé sera it nécessa ire.

Nos dépenses de santé sont-elles trop élevées ?

Le rappor t au PIB de la dépense tota le de santé est en réalité stab le depuis 1993, entr e 9,5% et 10%. Ce rappor t peut paraître élevé dans les com paraisons internat ionales, puisqu’il classera it la France au 4e ou 5e rang des pays de l’OCDE. Il évolue en fonct ion de la conjonctur e et il est remonté en 2001, en raison d’une croissance moindre de la production. On semb le avoir atte int l’objectif (en lui-même bien discutab le) de mainten ir la croissance des dépenses de santé à un taux qui ne dépasse pas celui de la production du pays.

Mais au-delà de cette barr e « fatidique » des 10% du PIB abondamment médiatisée, si l’on cons idère la dépense de santé par habitant , nous ne sommes actue llement que le 9e pays d’Europe et le 11e pays de l’OCDE (1).

La liste des pays où la dépense de santé par habitant est moindre qu’en France est révélatr ice. Dans les pays d’Europe du Sud en phase de rattrapa ge économ ique, les indicateurs sont bas pour l'Union eur opéenne . Mais dans les pays scand inaves, où la dépense de santé par habitant est nettement inférieur e à la moyenne eur opéenne , les indicateurs sont bons en raison des politiques de prévention. Les systèmes de santé des pays scand inaves sont encor e, en pratique, tota lement gratu its, ce qui contr edit l’opinion, aujour d’hui assénée , que la gratu ité des soins sera it un facteur d’inflation des dépenses .

Ces com paraisons internat ionales infirment le jugement lapidaire por té sur nos dépenses de santé . On nous dit que notr e système de santé sera it trop coûteu x, notamment en raison de ses dysfonct ionnements et des incer titudes sur son pilotage mais, en réalité, il faut plutôt conc lure que c’est la maîtrise com ptable des dépenses qui est sour ce de dysfonct ionnements .

Les plans de maîtrise com ptable de la dépense de santé en France se sont succédés sans discont inuer depuis plus de 20 ans . S’ils ont finalement abouti à limiter de manière drast ique la dépense hos pitalière en entra înant la crise du ser vice public hos pitalier depuis l’application du plan Juppé, ils ont échoué dans la maîtrise des dépenses de ville. L’object if national de dépenses d’assurance -maladie (ONDAM) a été régulièrement dépassé (sauf en 1997) prouvant l’imposs ibilité de décréter un faible taux directeur d’augmentat ion des dépenses de santé . L’object if fixé pour 2002 était de 3,8%, on atte indra vraisemb lablement 7,2%, notamment en raison de la hausse des honora ires des praticiens et des dépenses de médicaments . Le ministre de la Santé , Jean-Franço is Matté i, affirmant vouloir sor tir de la maîtrise com ptable, a revendiqué un objectif de croissance de l’ONDAM de 5,3% pour 2003 (par rappor t à la dépense qui devrait êtr e réellement consta tée en 2002) et un collectif budgétaire en milieu d’année afin de réajuster l’objectif le cas échéant . C’est cer tes prendre acte que les ONDAM précé dents étaient irréalistes , mais il ne fait pas de doute que la hausse de l’object if sera insuffisante , notamment en raison des revalorisations des honora ires des praticiens accor dées en juin dernier.

L’ONDAM en outr e, il faut le souligner, intègre les remboursements du ticket modérateur par les caisses mutue lles, mais ne prend pas en com pte les dépenses remboursées par les assurances privées. La par t de celles-ci représente actue llement environ 20% de l’ensemb le des dépenses assurées par les com plémenta ires santé et 3% de la dépense tota le de santé assurée (2).

L’introduction des mécanismes de la privatisation

Le « panier de soins » favoriserait la percée de l’assurance privée

La stigmatisation du système de santé à laquelle s’est livrée le Medef (3) est poursu ivie par le gouvernement et les forces libéra les depuis juin 2002 (voir ar ticle de Benoît Monier dans ce numér o).

Le déficit annoncé alimente ainsi la présentat ion apocalyptique d’une « dérive permanente » des dépenses (4) qu’il ne sera it plus poss ible d’assumer collectivement (5). La straté gie des forces néo-libérales cons iste alors à con vaincr e les profess ionne ls de santé et l’opinion publique qu’il sera it inélucta ble d’intr oduire « une dose » de privatisation dans l’assurance -maladie, notamment à tra vers le développement des com plémenta ires-santé . La politique de maîtrise com ptable se poursu ivrait sur la cou ver tur e maladie de base, rédu ite à un schéma de couver tur e maladie universe lle défini par un « panier de soins » limités remboursa bles à 100% ; quant aux soins « hors panier », ils nécess itera ient des assurances com plémentaires santé plus impor tantes . C’est bien ce projet qu’a évoqué Jacques Barr ot le 30 octo bre dernier (voir ar ticle de Jean-Paul Domin dans ce numér o).

Or, nous sommes déjà le pays de l’Union eur opéenne où la par t des dépenses cou ver tes par le régime de base est la plus faible, 73% en 2001, ce taux n’atte ignant plus que 56% pour les dépenses de ville. Les augmentat ions success ives du ticket modérateur ont const itué un facteur d’exclusion pour les caté gories de population en situat ion de précar ité. 6 millions de França is n’avaient pas ou plus de cou ver tur e com plémenta ire lors que la cou ver tur e maladie universe lle (CMU) a été instaurée en 2000. Mais le dispos itif montr e désorma is ses limites , à tra vers les effets de seuil concernant la CMU com plémenta ire en raison du bas plafond de ressour ces (549 eur os soit 3600 francs mensue ls), comme pour la contra inte imposée aux praticiens de rester dans le cadre des barèmes s’appliquant aux biens méd icau x, les prot hèses denta ires notamment .

Le « panier de soins » inst itut ionna lisera it définitivement un système de soins a plusieurs vitesses en faisant éclater le système de santé solidaire entr e l’ass istance et l’assurance , alors que celui-ci a été fondé sur le principe d’égalité devant l’accès aux soins, en termes de qualité et de proximité. La montée des inégalités, voire des exclusions de l’accès aux soins ne sera it plus le fait de la hausse des tickets modérateurs , mais de la dichotom ie entr e « panier de soins » et soins « hors panier ». Quoi qu’il s’en défende, Jean-Franço is Matté i com pte bien poursuivre la réflexion sur le dit « panier de soins », puisqu’il a créé une comm ission spéc ifique sur ce thème , dont il a confié la direction à Jean-Franço is Chadelat, qui fut le collaborateur de Claude Bébéar chez AXA, au dépar tement santé de la com pagnie d’assurances .

La mise en concurrence des opérateurs de soins

Le conce pt du « panier de soins » s’accom pagne de celui de la « mise en concurr ence des opérateurs de soins », qui suppose que la libéra lisat ion du système de santé favorisera it l’efficience du système de santé , en entrant ainsi de plain-pied dans la logique du « quasi-marché » (6). Les propositions du Medef vont encor e plus loin : elles proposent que l’on laisse le choix de l’affiliation pour la cou ver tur e de base entr e organismes de sécurité sociale, mutue lles et assurances privées en es pérant la percée de contrats -groupes privés proposés aux entr eprises pour leurs salariés, concrét isant ainsi le vieux rêve des assur eurs privés de prendre en charge l’assurance maladie « dès le premier franc ».

Quelles réformes efficaces de notre système de santé ?

Abandonner le principe de solidarité du système de santé ne permettra pas de faire face aux nou veaux besoins sociaux et de sor tir de la crise réelle d’efficacité du système de santé . Cer tains de nos indicateurs de santé nous situent en excellente position dans les com paraisons internat ionales, concernant l’es pérance de vie des femmes , et la très faible mor talité infant ile et périnata le notamment (7). Mais des dispar ités profondes demeur ent comme la mor talité précoce des hommes adultes dans les milieux ouvriers ; d’autr es dispar ités s’accé lèrent par rappor t à la démograph ie médicale, tant absolus (ce rtaines spéc ialités doivent déjà faire face au manque de praticiens) que géograph iques, puisque cer tains dépar tements apparaissent sinistrés pour le nom bre de médec ins par habitant (8).

Il s’agirait donc d’organiser les rés istances contr e la volonté de pousser la privatisation en proposant de véritables alternat ives. Seule une réforme d’efficacité du système de santé permettra la prise en com pte des facteurs démograph iques, en premier lieu le vieillissement de la population, comme des consé quences sur la santé de la crise économ ique et la montée du chômage et de la précarité, ou encor e de l’app arition de nou velles pathologies. De la même manière, on imagine mal comment les car ences du système de santé en France concernant la prévention (qui représente moins de 2% des dépenses d’assurance -maladie) pourra ient se résoudr e sans que soient déterm inés des objectifs de santé publique volontar istes peu com patibles avec la privatisation d’une par t grand issante du système et la réduct ion des dépenses publiques de santé .

Face à ce danger, il con viendrait enfin de sor tir du carcan de la maîtrise com ptable, car c’est bien l’insuffisance des ressour ces qui est la cause première des déficits, même si les dépenses devraient êtr e réor ientées pour une meilleur e efficacité, afin d’éviter les gas pillages et pour améliorer les résu ltats du système de santé .

L’app licat ion des 35 heur es au personne l hos pitalier s’est effectuée sans que les moyens aient été accor dés pour les engagements nécessa ires en matière de finance ment , d’emplois, de format ion de médec ins hos pitaliers et du personne l infirmier. La quest ion de la démograph ie médicale exige de sor tir du numerus clausus et de dégager d’urgence des moyens de financement .

Or, le financement du système de santé est directement soum is à la dégradat ion de la conjonctur e économ ique aggravée par la déflation des salaires et des dépenses sociales (dégradat ion qui explique pour une par t le déficit prévu pour 2002). Mais il est auss i grevé par la politique d’exonérat ions de charges sociales dites sur les « bas salaires ».

La politique de l’emploi annoncée par Franço is Fillon, ministre des Affaires sociales ne pourra qu’accé lérer les difficultés de financement , puisqu’elle renforcera la fuite en avant dans les exonérat ions de charges patr o- nales sans contr epar tie des entr eprises en matière d’emploi.

Une refonte du financement branc hée sur l’emploi, le développement des salaires et la croissance , dégagerait les moyens de financement nécessa ires aux réformes incontourna bles du système de santé , afin de conc ilier le progrès social et l’efficacité. Ainsi, on pourra it proposer une réforme du financement mod ifiant l’ass iette des cotisations patr onales (et en mettant fin aux exonérat ions de charges sociales qui en réalité ne créent pas d’emploi), en fonct ion d’un rat io rappor tant la masse salariale à la valeur ajoutée des entr eprises. Cette réforme permettra it de pénaliser les entr eprises qui licenc ient et qui fuient dans la croissance financ ière et, à l’inverse , d’inciter au développement de la croissance réelle et de l’emploi. 

  1. Ces chiffres sont extraits de La santé en France 2002, rapport du Haut comité de la santé publique, La Documentation française, février 2002.

  2. On estime que 27% des complémentaires santé sont souscrites auprès d’assureurs privés, mais que les frais pris en charges par cellesci ne représentent que 20% du total.

  3. Dans Pour une nouvelle architecture de la Sécurité sociale (nov. 2001), le Medef estime que l’augmentation de la dépense de santé« rend nécessaire une distinction claire entre les charges assumées par la collectivité et celles qui relèvent de la responsabilité individuelle ».

  4. « Nul n’ignore la dérive permanente des dépenses d’assurance-maladie que rien ne semble parvenir à enrayer… », Denis Kessler, discours de clôture du Forum du Medef à Strasbourg, 26 nov. 2001.

  5. « Il faut cesser de dire qu’il faut maîtriser, contenir… La croissance des dépenses de santé dans le budget des ménages est inéluctable… Les ressources publiques ne sont pas infinies. [La] nouvelle politique à définir est celle qui assure que les dépenses couvertes par l’assurancemaladie sont celles qui sont les plus légitimes médicalement…et qui responsabilise toutes les parties prenantes », Jean-François Mattéi, entretien accordé à La Tribune, 17 juillet 2002.

  6. La théorie libérale du « quasi-marché » de la santé suppose que l’introduction des mécanismes de marché serait censée mieux réguler les dépenses de santé et que l’intervention de l’État devrait se limiter à définir et à faire respecter les cahiers de charges s’imposant aux offreurs de soins.

  7. L’espérance de vie des femmes à la naissance en France est proche de 83 ans, quasiment au premier rang avec le Japon ; concernant la mortalité infantile et la mortalité périnanatale, les indica . urs nous placent dans les tout premiers, pratiquement à égalité avec les pays scandinaves.

  8. Ainsi, il n’y a qu’un médecin généraliste pour plus de 450 habitants dans certains zones rurales alors que la densité médicale peut être d’un médecin pour moins de 50 habitants dans certaines villes du littoral méditerranéen.

     

Loi de financement de la Sécurité sociale. Continuité et préparation des ruptures

Par Monier Benoît, le 30 September 2002

Loi de financement de la Sécurité sociale. Continuité et préparation des ruptures

Dans son intervention à l’Assemblée nationale, au nom du groupe communis te, Jacqueline Fraysse remarquait que nous vivons probablement une période de transition. Jusqu’ici les mauvais coups contre la Sécurité sociale étaient portés au nom de la nécessité d’acc epter des sacrifices pour sauv er une Sécurité sociale à laquelle les Français étaient légitimement si attachés.

C’éta it vrai des ministres socialistes , créant la CSG pour fiscaliser le financement de la Sécur ité sociale, ou instaurant dès 1991 la maîtrise com ptab le. Mais les gouvernements de droite parlaient auss i de plan de sauvetage. Même le plan Juppé se drapait dans cette argumentat ion de défense des principes fondateurs . Il faut se rappe ler le sout ien d’organisations comme la CFDT ou la Mutua lité et les hésitations du PS. C’est d’abord pour cela que le plan Juppé n’a pas été abrogé par le gouvernement Jos pin qui ne voulait pas ou n’osait pas chercher du côté des entr eprises les ressour ces supp lémenta ires qui aura ient permis de sor tir de la maîtrise com ptable des dépenses de santé et de protect ion sociale.

Aujour d’hui, M. Matte ï présente un projet qu’il qualifie lui-même de trans ition. Les réformes de struc tur es sont annoncées pour plus tar d. Mais déjà le discours s’infléchit. Quelques actes permettent d’entr evoir l’objectif visé.

Inflexion du discours : quan d les ministres ne manqua ient jamais de saluer, de manière quelque peu fanfaronne , le meilleur système de santé et de protect ion sociale au monde , le gouvernement actue l parle de système « parmi les plus génér eux au monde » ( rappor t anne xe de la loi de financement) . C’est plus qu’une nuance .

On commence en fait à expliquer aux frança is que ce système , dont ils sont encor e si fiers , commence à avoir fait son temps . Il faudra bien, nous diton, faire un jour prochain autr e chose.

Le constat des dysfonct ionnements et des blocages est facile à faire et, soyons clairs, il est utile de le faire. On ne défendra pas efficacement la Sécur ité sociale actue lle en niant qu’elle est effect ivement en crise.

Crise du financement qui fait que dès que le chômage repar t à la hausse les déficits se creusent alors que les besoins de protect ion sociale sont encor e accentués par ce chômage.

Crise de fonct ionnement du système de santé où les profess ionne ls n’en peuvent plus de l’autor itar isme utilisé pour leur imposer le freinage des dépenses alors qu’ils savent bien qu’il est légitime que ces dépenses augmentent , pour faire face à l’évolution démograph ique et sur tout pour que le progrès médical profite à tous .

Crise de démocrat ie où il faut en même temps suppr imer les élections pour empêcher les assurés sociaux de définir leurs besoins, créer des agences régionales de l’hos pitalisation dont la seule fonct ion est d’imposer les restructurat ions autor itaires dont l’objectif réel est de rédu ire l’offre de soin.

Le Medef pointe son nez

Pour le moment le professeur Matte ï a plutôt bien joué de son image de médec in human iste. Il a su débloquer des conflits vieux de plusieurs années comme avec les médecins libérau x. Il tire par ti plutôt habilement des lacunes de ses prédécesseurs . Comment lui reprocher les difficultés à mettr e en œuvre les 35 heur es à l’hôpital quan d les personne ls nécessa ires n’ont pas été formés ? Pour tant il pourra d’autant moins utiliser dura blement l’argument , qu’à son tour il ne prend pas les mesur es d’urgence nécessa ires pour former médec ins, infirmières, aides-soignantes , etc .

Et sur tout l’human isme, réel du professeur de médecine ne doit pas faire oublier que le même était auss i président du groupe Démocrat ie Libérale, c’est-à-dire le seul par ti politique qui a clairement soutenu les propositions du Medef pour la Sécur ité sociale, publiées en novembre 2001.

Dès la nomination du gouvernement Raffarin, un signal for t était envoyé au Medef avec la répar tition des res ponsab ilités entr e M. Fillon, le ministre de l’emploi et de la solidarité et M. Matte ï à la santé . Le premier s’occu pe de la retra ite et des accidents du tra vail. Le second de la santé et de la famille.

pMoins remboursés, les malades n’ont pas la possibilité réelle de choisir leur médicament

A première vue, cette répar tition paraît absurde. Et pour tant c’est dans le document du Medef qu’on en trouve l’explication. Pour le Medef, les entr eprises doivent garder une res ponsa bilité dans les doss iers de la retra ite et des accidents du tra vail qui font par tie du contrat de tra vail. Par contr e, le même document affirme que puisque l’assurance maladie et la branc he famille bénéficient à la tota lité de la population, c’est à l’Etat , et non aux entr eprises, d’en assur er seul la res ponsa bilité. Et pour que les choses soient bien claires, le Medef précise que les cotisations patr onales pour la maladie et la famille doivent êtr e suppr imées et remplacées par la CSG. Quan d on interr oge des res ponsa bles du Medef sur ce phénoména l trans fer t financ ier au profit des entr eprises et au détr iment des ména ges, ils préten dent que les sommes ainsi dégagées pourra ient êtr e trans formées en hausse de salaire.

C’est en fait illuso ire car l’opérat ion elle-même vise à tirer vers le bas toute la masse salariale. Et d’ailleurs l’idée n’est pas dans le document écrit du patr onat et quoique il en soit, le fond du problème c’est le désen gagement des entr eprises du financement de la protect ion sociale.

La loi de financement de la Sécur ité sociale donne quelques autr es signaux for ts allant dans le sens des exigences du Medef.

Pour la branc he accidents du tra vail-maladies professionne lles (AT-MP), un ar ticle de la loi prépare le retour du Medef dans des con ditions de paritarisme qui donne le pouvoir effect if au patr onat et comme cadeau de bienvenue un scanda leux blocage des cotisations alors que malgré les « sans-déclarat ions » le nom bre d’accidents et surtout de maladies profess ionne lles ne cesse de grand ir.

Une nouvelle gouvernance

Rien n’est fait sur la quest ion de la gest ion de la Sécur ité sinon pour affirmer que le dépar t du Medef, présenté comme le seul représentant poss ible des chefs d’entreprises, affaiblit les caisses (mais rien ne vient éta yer cette affirmat ion). C’est pour tant sur cette affirmat ion que s’app uie le ministre pour annon cer le souha it de « poser sans tarder les fondations d’une nouvelle gouvernance, avec un travail engagé dans trois directions » :

  • Les relations entr e l’assurance maladie et l’Etat .

  • La médicalisation de la régulation des dépenses (pour ce thème le choix du délégué généra l de la Fédérat ion des cliniques privées pour diriger le groupe de tra vail est tout un symbole).

  • Les com pétences res pectives du régime de base et des régimes complémenta ires (c’est-à-dire les mutuelles et les assurances privées) .

Là encor e, sans ant iciper sur le résu ltat de ces trois groupes de travail, il faut bien constater que la place du privé dans l’ensem ble du système de santé et de protect ion sociale est au cœur de la réflexion du ministre sur la « nou velle gouvernance ». On peut d’autant plus légitimement se poser la quest ion que plusieurs mesur es concrètes vont déjà dans ce sens .

Cet été le Président de la République avait annoncé un plan d’invest issement de 7 milliards d’eur os en 5 ans pour les hôpitaux.

La loi prévoit 300 millions pour 2003. On est très loin du com pte. Mais il est annoncé que ces 300 millions venant de l’assurance maladie pourra it devenir un milliard grâce à l’app or t de capitaux privés et d’autr es collectivités publiques. Le rappor t parlementa ire de présentat ion de la présente loi de financement fait expressément référence au précé dent de la construct ion des prisons avec un financement privé.

Un plan médicament contre les malades pour les grands laboratoires

Le volet médicament de la loi pour 2003 est peut-êtr e le plus illustrat if des orientat ions gouvernementa les.

Sous prétexte de ser vices médicaux jugés insuffisants , des centa ines de médicaments seront déremboursés . Les parlementa ires commun istes ont défendu l’idée que s’ils étaient réellement inefficaces , ils devaient êtr e retirés du marché et, sinon, qu’il fallait les rembourser corr ectement .

Pour les classes de médicaments où existent des génériques (c’est-à-dire ceu x où des industr iels peuvent copier la molécule initiale parce qu’elle n’est plus couver te par un brevet) ; la loi décide que tous les médicaments de cette classe thérapeut ique ne seront plus remboursés sur la base de leur prix de vente mais du prix du génér ique le moins cher.

On voit que dans les deux cas les malades seront toujours moins remboursés alors qu’ils n’ont pas la poss ibilité réelle de choisir leur médicament .

Les députés commun istes ont défendu l’idée qu’à la fin de la période cou ver te par le brevet, le prix de vente du médicament devrait êtr e renégocié en tenant com pte que le coût de la recherche est amor ti et que rien ne just ifie que le laborato ire cont inue à bénéficier d’un prix de monopo le. Ainsi nous sor tirions du dilemme où on tente de nous enfermer qui cons iste à chercher à savoir si c’est la Sécur ité sociale ou les assurés qui doivent ser vir de vache à lait des laborato ires pharmaceut iques.

Enfin, la troisième mesur e du plan médicament vise à donner la liber té des prix pour les médicaments nouveaux, pour une période dont le ministèr e dit qu’elle pourra it êtr e de six mois, mais que le texte de la loi ne limite pas.

Il est donc facile de montr er qu’avec ce plan les perdants seront les malades et les gagnants les plus grands laborato ires. Le ministre se just ifie par la nécess ité de financer la recherche pharmaceut ique. Mais si c’était vraiment son objectif pour quoi refuse-t-il le moindre geste quan d Aventis annonce la fermetur e de son centr e de Romainville et la réduct ion de toute son activité de recherche en France avec un trans fer t mass if des investissements de recherche vers les USA. Dans le débat à l’Assemb lée nationale, il a répondu en substance que nous ne pouvions pas lui deman der de remettr e en cause la liber té d’entr eprendre.

Oser parler du financement à partir de l’entreprise ?

On a vu que le Medef propose que les entr eprises se désen gagent mass ivement du finance ment de la Sécur ité sociale (tota l pour les branc hes famille et maladie, avec blocage des cotisations pour la retra ite et la branc he ATMP).

A l’inverse les députés commun istes ont montré qu’il n’y a pas de développement possible de la protect ion sociale sans poser la quest ion du financement par les entr eprises.

Une étu de récente de la Direction de la recherche du ministèr e des affaires sociales (DREES) montr e que la par t des cotisations sociales a reculé de 8 points en 6 ans . En 2001, elles représentent 298 milliards d’eur os soit 66,5 % des recettes .

Les impôts et taxes affectés sur la même période de 6 ans ont augmenté de 12 points . Avec 88 milliards d’eur os, ils repr ésentent 19,6 % des recettes , pour seulement 25,7 milliards en 1995.

L’essent iel de cette hausse est dû à la CSG, c’est-à-dire à 90 %, un impôt payé par les salariés. La même étu de de la DREES montr e que les exonérat ions de cotisations patr onales ont fortement augmenté pendant ces six années pour atte indre 19,6 milliards d’eur os.

Ces quelques chiffres permettent d’avancer l’idée qu’il devient urgent d’inverser ce mou vement qui voit le financement de la protect ion sociale reposer de plus en plus sur les ména ges (cot isations salariés, CSG) et de moins en moins sur les entr eprises. Pour cela il faut évidemment avoir le coura ge politique de dire qu’on veut faire cotiser plus et mieux les entr eprises.

Depuis plusieurs années les parlementa ires commun istes défendent plusieurs idées pour aller dans ce sens .

Les exonérations de cotisations patronales ne créant pas d’emplois, pour quoi ne pas mob iliser leur financement public pour les trans former progress ivement en bonification d’intérêts sous con dition de créat ion réelle d’emplois.

  • Les revenus financ iers des entr eprises ne contr ibuent d’aucune façon au financement de la Sécur ité sociale : taxons-les au même niveau que la cotisation sur les salaires.

  • Les cotisations patronales pèsent de la même manière sur toutes les entr eprises, les petites et les plus grandes , les entr eprises de main d’œuvre et celles où les salaires sont une par t infime du chiffre d’affaires. Pour quoi ne pas modu ler ces taux de cotisation pour passer à la créat ion d’emplois et à la croissance des salaires et de la formation ?

Ces propositions ont été également refusées hier par les ministres socialistes et aujour d’hui par ceux de droite. Faut-il renoncer à les défendre ou chercher à les rendre plus acce ptable ? Ne faut-il pas plutôt réfléchir aux moyens à mettr e en œuvre pour quelles deviennent des exigences suffisamment for tes dans le pays ? L’auteur de ces lignes se souvient de la montée en puissance du mot d’ordre de « taxation des reven us financiers » tout au long des manifestat ions pen dant la grève de novem bre-décem bre 1995.

Privatisation d’Air France : empêcher le crash

Par Martin Francis, Touil Yvon, le 30 September 2002

Privatisation d’Air France : empêcher le crash

Pour aboutir à la privatisation d'Air France qui est envisagée depuis longtemps en fait l'idée même qu'une entreprise de transport aérien soit dans le public est rejetée dans les milieux dirigeants un processus a été engagé depuis plus de 15 ans, avec des étapes marquantes. Mais celui-ci n'a pu être mené à son terme, essentiellement en raison des résistances du personne l, qui de l’ouvrier au commandant de bord restent mobilisés (ils étaient 5 000 à la manifestation du 3 octobre) mais aussi des exigences politiques de prises en compte des besoins de desserte à l’échelle du territoire ou dans le monde qui sont opposés à la logique de rentabilité financière effrénée du privé.

Ainsi, sur le terr itoire comme à l’internat ional, plusieurs dizaines de lignes « non renta bles » ont longtemps été maintenues grâce à la péréquat ion réa lisée avec l'app or t financ ier de quelques lignes hyper renta bles. Cela a contr ibué à éviter l'isolement de villes de province moyennes et de leur région environnante notamment pour celles que le TGV ne desser t pas. Cela à permis auss i, de mainten ir des coo pérat ions et des échanges entr e la France et de nombreux pays, notamment du Sud. Une entr eprise privée aura it éliminé les lignes non renta bles pour accr oître sa renta bilité financ ière. L’entr eprise publique n'ayant pas de telles contra intes , elle a pu développer une péré quation en faveur d'un aména gement du terr itoire plus équilibré et de coo pérat ions ouvertes sur le monde .

Or, au moment où le mou vement de marchandisation de toutes les activités pousse vers une dangereuse et coûteuse concentrat ion de la desser te du terr itoire – avec la mise en concurr ence des régions conforme aux exigences des groupes dominants – il sera it néces saire, au contra ire, de favoriser la com plémentar ité et la coo pérat ion de tous les modes de transpor t favorisant un maillage répondant aux besoins des hommes .

Un processus de privatisation jamais totalement interrompu

L’échec d’une première tentative de privatisation

En 1986, E. Balladur annonce le projet de privatisation d'Air France avec 22 autr es entr eprises, en préten dant qu’il n’y aura it pas d’autr es solutions face au problèmes d’endettement , de concurr ence avec les Etats-Unis et de déréglementat ion du transpor t aérien.

Il mandate M. Friedmann pour la mise sur le marché de la com pagnie. Si celui-ci, pour des raisons de krach boursier, ne peut la mettr e en oeuvre, il n'en cont inue pas moins à poursu ivre l'intr oduction des critèr es de gest ion du privé dans l'entr eprise

Air France et les années 1990

Trois PDG (B. Attali, C. Blanc, J.C. Spinetta) vont se succéder dans les années 1990 pour « gérer » les inflexions d’Air France dans le cadre de press ions plus for tes du marché, de l’Union eur opéenne ainsi que de tentat ives d’inter ventions plus ou moins rés istantes ou aggravantes des gouvernements success ifs. Tout cela, dans le nouveau conte xte des défis de la révolution informat ionne lle dans le transpor t aérien.

Celle-ci mod ifie profondément les con ditions de l'act ivité :

  • l'intr oduction de l'informat ique embarquée, notam ment avec le bond techno logique franch i par l'A320, qui évite les arrêts prolongés d’appareil pour réparat ion et assur e ainsi une utilisation intens ive des appareils (dixhuit heur es par jour) ,

  • la mise en place du Hub de Roissy, en liaison avec l’optimisation de la recette par informat ique, permettant de rabattr e mass ivement la clientè le dans cet es pace avec une coor dination poussée entr e l’arr ivée de ces usagers et leur dépar t vers d’autr es dest inations, notamment sur les lignes à for te renta bilité.

De tels équipements avec des coûts cons idéra bles sont ambivalents :

  • ou bien ils peuvent permettr e de faire à terme des économies si de tels coûts sont par tagés et si la qualification des salariés est favorisée pour qu’ils maîtrisent ces technologies,

  • ou bien, ils peuvent entra îner d’impor tants gâchis si de tels par tages ne sont pas organisés notamment avec d’autr es aér opor ts de l’es pace national et dans le cadre de coo pérat ions dans le monde ou si la format ion des salariés n’est pas suffisante pour une utilisation efficace . Or, réalisée dans le cadre d’une gest ion déjà dominée par la renta bilité financ ière, les exigences (financement , par tage de coûts , flexibilité,..) d’une telle mise œuvre de la révolution informat ionne lle vont êtr e utilisées pour tenter d’imposer les profondes restructurat ions qui ont marqué toute la décenn ie passée .

B. Attali prépare le terrain

En 1988, F. Mitterrand nomme B. Attali à la tête de la com pagnie, qui en raison de l'engagement du Président de la République à mainten ir sa politique du « ni privatisation, ni nationalisation » ne mod ifie pas le statut public de l'entr eprise, mais prépare activement la privatisation avec la mise en place d'une nou velle organisation fondée sur la créat ion de centr es de profit, tout en cherchant, avec l'intér essement aux résu ltats , à intégrer les salariés aux objectifs financ iers de l'entr eprise.

Christian Blanc tente le coup de force

Christian Blanc, après le retour de la droite, est nommé PDG pour privatiser. Pour cela, il met en avant les exigences de modern isation liées , notamment , au Hub (1) de Roissy. Cer tes il y a des exigences objectives nou velles liées à la révolution informat ionne lle : (2)

  • le besoin de fonds pour financer les nou velles technologies,

  • le besoin de coo pérat ion au plan eur opéen et mondial,

  • le besoin d'une gest ion plus rigour euse et plus soup le,

  • le besoin de l'implication des salariés.

  • Mais les solutions réact ionna ires de la privatisation sont alors présentées comme l’unique réponse à ces exigences avec :
  • le recours au marché financ ier, y com pris par l’ouvertur e du capital,

  • des alliances de guerr e économ ique,

  • la rigueur de la renta bilité financ ière avec les gâchis humains et financ iers ,

  • l'implication des tra vailleurs à la renta bilité capitaliste , à leur propre exploitation par l'intér essement et l’actionnar iat.

Pour tenter de faire acce pter ses choix aux salariés,

C. Blanc organise un référendum « pipé » où ceux-ci sont invités à répondr e à la quest ion « Air France doit-il vivre ou mour ir ? » Et il met en place un plan d'acquisition d'actions pour les salariés dans des con ditions , laissant es pérer à nom bre de salariés un enrichissement rap ide et, en tout cas , leur fourn issant une alternat ive à leurs salaires pressurés.

Mais cette cam pagne de séduct ion est cou plée à un arrêt tota l des créat ions d'emplois, et un blocage de l’évolution des salaires sur une durée de quatr e ans (hormis les ouvriers en raison des pénur ies de ces personne ls chargés de l'entr etien du matér iel). Une double échelle des salaires est inst ituée avec un recul de l'ordre de 20% de la rémunérat ion des nou veaux embauc hés par rappor t aux con ditions salariales de leurs aînés.

La croissance rentable de J.C. Spinetta

Mais, Christian Blanc échoue et démissionne en 1997 avec le refus de J.C. Gayssot qui a bloqué le projet de privatisation envisagé en mettant en avant le principe de « ni privatisation, ni statu quo ». Toute fois, avec l’arr ivée du PDG J.C. Spinetta , les forces de la privatisation, renforcées par la remontée jus qu’à 30% du prix dans son capital, cont inuent à œuvrer pour aligner la gest ion d’Air France sur celle du secteur privé.

Une nou velle période contra dictoire s’ouvre alors pour Air France .

Avec la reprise de la croissance mond iale, l'entr eprise conna ît un impor tant développement de l’act ivité. Mais, celle-ci vise avant tout une croissance renta ble contr e les salariés dont l’exploitation est renforcée tand is que les économ ies réalisées sur le personne l comme sur les équipements sont en permanence as pirées par les prélèvements financ iers de toute natur e.

Si le Hub const itue un levier puissant pour le développement de l'entr eprise, ce développement est profondément mar qué par les critèr es capitalistes .

Ainsi, si cette croissance et le passa ge aux 35 heur es obligent Air France à relancer l’embauc he avec plus de 5 000 nou veaux emplois ceux-ci ont été mass ivement créés sur le Hub, au détr iment notamment de ceux qui aura ient été nécessa ires pour la RTT. Ainsi, avec une hausse annue lle moyenne de 10% du chiffre d'affaires entr e 1997 et 2000 et le passa ge dans le même temps aux 35 heur es, un recrutement limité à 6% de l’effect if fait exploser la productivité horaire apparente du tra vail,

+ 18% en 2 ans (ent re l’exercice 1996/97 et celui de 1999/2000, la valeur ajoutée moyenne par heur e de tra vail passe de 280 francs 2000 à 331 francs 2000) et à une dégradation mass ive des con ditions de tra vail. Entr e ces deux exercices la par t des salaires dans cette valeur ajoutée passe de 73,9% à 69,8%, 4 points de moins.

Les externa lisat ions d’activité comme l’app el à la sous tra itance , loin d’atténuer ces difficultés , ont au contra ire renforcé les concurr ences entr e salariés et multiplié les disfonct ionnements . Par ailleurs la mise en place du Hub et des progrès techno logiques permettent d’intens ifier l’utilisat ion du matér iel et d’accr oître la productivité du capital matér iel. Mais ces gains sont absorbés par les marchés financ iers et les banques : ainsi les seules charges financ ières passent de 590 millions d’eur os à 1 172 millions d’eur os en 2000.

Un dispositif de casse de l’entreprise publique pour tuer leur missions publiques

Pour nier l’utilité de l'entr eprise publique, le PDG a toujours refusé de reconna ître outr e la mission d’efficacité sociale, l'existence de mission spéc ifique de ser vice public dans le domaine du transpor t aérien. Pour lui, sauf pour la Corse et pour les DOM-TOM ces missions sont inexistantes . Il est d'ailleurs à noter que la liaison avec la Corse relève plutôt de la logique de délégation de ser vice public que de celle de l'entr eprise publique. Donc, cela s’est fait dans la concurr ence poussant au moins disant social . Ainsi le ser vice avec la Corse s’est réalisé dans le cadre d'un contrat avec cette région à par tir d'un cahier des charges et dans le cadre d'une adjudication qu’Air France a rempor té, mais qui aura it pu l’êtr e par une entr eprise privée. D'ailleurs , Air littora l à contesté les con ditions d'attr ibution de ce marché et les inst itut ions eur opéennes ont cassé ce contrat . Une nou velle adjudication devra êtr e réorganisée.

De même , cette recherche de la « croissance renta ble » doit-elle remettr e en cause non seulement tout l’app or t poss ible de l’entr eprise à une efficacité sociale sector ielle et de nationale avec la promot ion des personne ls, Mais auss i tout ce qui relève d'une logique de ser vice public.

Cette logique de ser vice public concerne , notamment , le maillage impor tant du terr itoire national et l’access ibilité financ ière par tout à ce mode de transpor t, longtemps assuré par la filiale Air inter avec un système de péré quation entr e les lignes renta bles et des lignes moins rentab les.

Pour casser ce système solidaire et organiser la croissance renta ble, Air France s'est app uyé sur l'intr oduction de la concurr ence dans le cadre de la déréglementat ion du transpor t aérien à l'éc helle eur opéenne et mond iale.

Cette concurr ence a dans un premier temps multiplié les com pagnies avec une baisse tar ifaire liée à la guerr e commer ciale et a fait press ion sur les salariés de toutes les com pagnies pour baisser leurs coûts salariaux et pour atta quer l'emploi.

Dans un second temps , on a organisé l’écréma ge des com pagnies afin d’éliminer les plus fragiles. Ainsi, par exemple Air France a-t-il, pour cela, mis en place des navettes sur les lignes les plus renta bles pour éjecter tous ses concurr ents .

Dans le monde entier, des méga-com pagnies ont été const ituées avec des destruct ions d'entr eprises, comme aux Etats -Unis avec la faillite de trois grandes com pagnie et des difficultés dans une dizaine d'autr es.

Les attentats du 11 septembr e ont été un accé lérateur dans cette concentrat ion favorisant la const itut ion de monopo les.

Chacune d'elles repose sur l'organisation de Hub et sur un réseau const itué par des alliances internat ionales.

En France , Air France s’est app uyé sur tout sur Hub de Roissy, et s’est intégrée à l'alliance Skyteam qui mène la guerr e de domination contr e deux autr es alliances : One World et Star Alliance qui, elles mêmes ont assoc ié d'autr es com pagnies eur opéennes pour mener la guerr e économ ique sur l’es pace cont inenta l. C’est pour cela qu’Air France et Alitalia s’échangent des actions avant de s’ouvrir à KLM et ainsi tenter la privatisation tota le rap ide alors que dans le monde les critiques et les luttes contr e celles ci commencent à prendre de l’ampleur.

Dans le même temps , on cherche à organiser un par tage des rôles entr e Air France et les « low Coast », com pagnies à bas coûts :

Ainsi celles-ci pourra ient organiser le rabatta ge à bas prix des usagers vers le Hub de Roissy et les lignes rentab les exploitées par Air France . Ensuite, Air France multiplie les ser vices à for te marge pour la clientè le la plus solvable afin de faire remonter sa renta bilité financ ière. C’est sans doute auss i comme cela que le transpor t aérien pourra it relancer la concurr ence avec le transpor t ferr oviaire qui lui auss i mène la guerr e pour les lignes rentab les contr e le transpor t aérien plutôt que de rechercher des coo pérat ions favora bles à l’ensem ble du terr itoire et de la population.

Cette politique con duit Air France à vendre son ser vice au prix for t sur les lignes les moins renta bles, mais tout en cherchant à cibler la clientè le à pouvoir d’achat élevé ou d’hommes d'affaires qu'il est impor tant d’orienter dans le réseau Air France vers les segments les plus rentab les.

Mais, auss i, ce système a favorisé le retra it d'Air France des transpor ts dit de « point à point » permettant d'organiser les liaisons sans en emprunter le Hub de Roissy. De même il a déjà contr ibué à la marginalisation de l'aér opor t de Bruxelles.

L’exigence d’alternative pour le transport aérien

Au contra ire, plutôt que la guerr e dans le ciel frança is et Européen , entr e le ciel et les voies ferrées et routières sur les mêmes créneau x les plus renta bles avec des gâchis monstrueu x de suréqu ipement dans les métr opoles eur opéennes et entr e celles-ci et la rar eté et la cher té par tout ailleurs , il faudrait relancer les péré quations pour favoriser le maillage du terr itoire national et eur opéen et les coo pérat ions entr e tous les modes de transpor t à par tir des entr eprises publiques du cont inent et d’autr es types d’alliances .

Les progrès techno logiques de la révolution informationne lle dans le transpor t et les coûts de recherches de logistique, de sécur ité,… devraient êtr e par tagés entr e tous les utilisateurs potent iels par des coo pérat ions d’abord entr e les entr eprises du transpor t aérien eur opéennes , et auss i avec celles des autr es modes de trans por ts. De même d’intenses effor ts communs de format ion des salariés pourra ient favoriser une nou velle cultur e du transpor t économe de moyens et res pectueu x de l’environnement et auss i d’un développement équilibré de tous les terr itoires eur opéens . Une même démar che pourra it auss i êtr e engagée vers les pays du Sud et de l’Est pour favoriser des trans fer ts de techno logie à par tir de financements par créat ion monéta ire de la BCE, du type plan Mars hall. Ce qui permettra it de sor tir de cette guerr e économique concentrant le débouc hé sur une population minoritaire solvable des pays les plus riches.

Cela passe avant tout par l’atout des entr eprises publiques, coo pérantes , subst ituant aux critèr es de la renta bilité financ ière ceux de l’efficacité sociale, de l’équilibre des terr itoires, libérées des contra intes des marchés financ iers par des financements alternat ifs. Ce qui néces site de promou voir un nou veau cré dit sélectif incitatif au développement des capacités humaines, la format ion, la qualification avec la recherche, ainsi que de nou veaux pouvoirs d’inter vention des salariés.

La France a su développer une véritab le cultur e de transpor t dans toutes ses com posantes : matér iels, équipements , logistique,… Toutes ses com pétences vont-elles êtr e dilapidées dans les gâchis de la guerr e économ ique ou saura -t-on les utiliser pour relever le défi de Florence , celui d’un monde faisant reculer la marchandisation de tout au profit du par tage des savoirs des pouvoirs et des ressour ces .

 

  1. Le Hub est une plate-forme aéroportuaire qu’une compagnie aérienne s’approprie et utilise comme un nœud de correspondances pour combiner divers trajets et réservations. On cherche à attirer un maximum de passagers sur un même vol par des coûts réduits, en combinant des courts et de moyens trajets et des longs trajets.

  2. Paul Boccara, La bataille pour Air France : propositions et interventions, Economie et politique n° 243-244, juillet-août 1997, p 17.